Pour Pierre Garnier par Frédérique Guétat-Liviani

Les Célébrations

Pour Pierre Garnier par Frédérique Guétat-Liviani

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                                    l’enfant et le vieil être regardent le feu et la bûche qui meurent ensemble

c’est microscopique la mort

(A vécu la disparition des bouvreuils.)

Pierre Garnier

(Fidel Anthelme X avril 2000)

 

 

 

 

Sur la table   dans la chambre   il y a des lettres   je les garde.

Parmi elles   le dernier courrier de Pierre G.

Il date du 5 octobre 2013.

Pierre G est navré d’avoir tardé à répondre.

Il ne va pas très bien   c’est pour cela qu’il a tardé.

 

Je relis d’autres courriers   ils sont plus anciens.

Pierre G  parle des oiseaux   chez lui comme ici    les tourterelles turques se sont installées.

Il me parle de la poule et des chats.

Et  aussi des écoliers   des dessins    qu’il aime recevoir.

C’est lui qui inaugure la Petite Motesta   notre collection pour les enfants.

Il offre à leurs coloriages ses poèmes visuels.

3 ans plus tard   ce sont d’autres poèmes spatiaux qu’il livre à la Petite Motesta.

L’ouvrage se déplie et s’ouvre en grand   comme les ailes des papillons qu’il affectionne.

Sur les feuillets   le chiffre 9   celui de l’accomplissement    s’est démultiplié à l’infini.

Les enfants applaudissent   et lui envoient d’autres dessins.

Ils savent très bien que Pierre G n’est pas du genre à ne pas répondre.

 

Le facteur m’appelle dans le couloir quand il y a du courrier.

Il sait que j’attends qu’il passe.

Il reconnaît les expéditeurs   il me dit qui m’écrit.

Les lettres de Pierre G   il les reconnaît    à cause des timbres collés en tous sens sur l’enveloppe.

Sur les lettres de Pierre G   les timbres s’affranchissent tout autant que les mots.

Pierre G   dans un poème   dit que le facteur est un pilier du monde.

Un peu comme les 36 justes   je crois.

Je sors les livres de Pierre G   je libère 2 étagères   derrière le lit de ma mère.

Sur chacun   je cherche son écriture  à la main.

Je les ouvre tous    par terre    ils se déploient.

 

Tous    ensemble    les poèmes.

Les linéaires et les arborescents.

Pierre G abolit les hiérarchies.

Entre les formes   entre les mots   entre les créatures.

Son écriture   parfois se déroule  d’une page vers une autre.  

D’autres fois   s’enroule   comme l’escargot.

Mais quelle que soit sa forme   elle est toujours du côté    des offensés    des humiliés.

Du côté des bêtes silencieuses   du côté de la Terre exploitée   des hommes fatigués.

Du côté des lombrics égarés en chemin.  

Il les rend à la terre humide    comme des ponctuations    dans l’obscur.

Quand Ilse et Pierre inventent le Spatialisme   tous deux luttent pour la libération du mot.

Afin qu’il ne soit plus assujetti à la syntaxe.

Au service de l’explication de texte.

C’est un combat pour la reconnaissance des prolétaires de la phrase.

Pierre et Ilse unis   pour qu’on laisse  respirer les mots.

Ils ont  soufflé dessus   et les lettres    se sont dispersées.

Un vrai soulèvement a eu lieu dans l’alphabet.

 

Nous ne tournerons plus jamais les pages comme avant.