Lettre ouverte à M. Jean-Michel Maulpoix, Président de la Maison des Ecrivains par Patrick Beurard-Valdoye

Les Incitations

14 juin
2006

Lettre ouverte à M. Jean-Michel Maulpoix, Président de la Maison des Ecrivains par Patrick Beurard-Valdoye

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Paris, le 13 Juin 2006


Monsieur le Président,


Dans le troisième tome de « Modernités XIXeme-XXeme siècle » paru récemment aux éditions PUF, (où l'on peut lire sous votre plume que le mouvement Dada fut fondé à Munich !), vous consacrez un paragraphe aux « diversités formelles », dans lequel vous évoquez en quelques mots la poésie sonore.

Vous écrivez, à propos de ces « innovations formelles », qu'« il ne semble d'ailleurs pas que ces tentatives extrêmes ou extrémistes aient jamais donné lieu à des œuvres de premier ordre. »

Nous sommes nombreux à considérer au contraire, que des œuvres telles que Tombeau de Pierre Larousse de François Dufrêne, ou bien Respirations et brèves rencontres de Bernard Heidsieck, figurent parmi les œuvres marquantes de la seconde moitié du XXeme siècle. Et si vous doutez de la validité d'une telle assertion, permettez-moi de vous rappeler que Bernard Heidsieck obtint le Grand Prix national de Poésie, et fut votre prédécesseur, en tant que Président de la Commission Poésie du Centre national du Livre.
C'est pourquoi je considère votre phrase comme erronée, partisane et offensante. Elle fait craindre une attitude sectaire. Ceci est d'autant plus grave que votre propos figure dans un ouvrage à vocation scolaire et à prétention scientifique.

J'ajoute que vos propos hautains à l'égard du courant qui a largement contribué à réintroduire la lecture à haute voix dans l'espace public, prouvent qu'il n'y a pas d'espoir que la Maison des Ecrivains ait enfin quelque ambition européenne au niveau de cette pratique (je vous rappelle que dans de nombreux pays, une lecture est régulièrement payée deux fois plus que ce que propose la Maison des Ecrivains ; celle-ci avait d'ailleurs rémunéré des poètes allemands deux fois plus que leurs collègues français lors d'une rencontre sous la présidence précédente).

Selon mon point de vue, votre comportement partisan est incompatible avec la mission de Président de la Maison des Ecrivains, dont le rôle serait de rassembler toutes les orientations et les tendances - fussent-elles divergentes -, comme d'ailleurs vous le soulignez dans votre éditorial du dernier bulletin paru de la Maison des Ecrivains.

Il serait légitime de vous demander dans ces conditions de démissionner de votre mandat.
Mesurant pourtant combien il n'est guère conforme aux usages - si vous m'autorisez cette métaphore lyrique et critique - que l' « occupant » d'un immeuble quitte les lieux, par le fait qu'un colporteur de langues hurle sous les fenêtres à l'imposture, je vous prie de noter que je démissionne de l'Association de la Maison des Ecrivains.


Avec mes salutations consternées.



PS : peu invité dans les manifestations de poésie sonore, auteur d'ouvrages qui, comme vous le savez, ne se réclament pas de ce mouvement historique, j'espère que vous comprendrez que je ne défends pas ici mon clan, mais que j'agis selon une exigence d'altérité, au nom du respect des différents partis pris formels et artistiques, au nom enfin d'une rigueur historique que vous ne semblez partager.