StennoS Batalla Baetens par Joseph Mouton

Les Incitations

11 juin
2015

StennoS Batalla Baetens par Joseph Mouton

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Vous êtes auteur et votre livre n'a retenu l'attention d'aucun collaborateur du site, il est peut-être victime d'une discrimination quelconque ou d'un manque de goût manifeste, vous êtes éditeur et vous pensez la même chose, vous êtes agent littéraire et vous ne fréquentez pas les sites à faible audience, pourtant JOSEPH MOUTON VA SAUVER VOTRE LIVRE des sinistres oubliettes de Sitaudis en lui dédiant au moins un StennoS — c'est-à-dire un poème-citation à vers contraints —, qui ne sera pas un mieux que rien mais le témoignage attentif et respectueux d'un poète pour les rebuts, les rejets d'un milieu.

 

 

 

Poésie possible, Michaël Batalla, collection disparate, éd. NOUS, 190 pages.

 

PORTRAIT ARBRE

 

l’écorce ocre sombre du bois pourri . vermou-
lu un toboggan de charbon [des enfants in-
cendièrent en 1970 un nid de guêpes et le
feu se propagea] fait corps avec l’intérieur
du tronc .. brûlure compactée . noiréteint
qui ne marque plus la peau Au-dessus tout
serait presque normal n’était les réductions
successives du tronc (par paliers) . vérin
télescopique .. chaque retrait ceinturé des
moignons têtards [on coupait les branches
pour le chauffage] Vers le ciel c’est la per-
fection .. le tronc se divise d’abord en deux
puis chaque subtronc se subdivise en trois
porte feuillage par paquets moumouteux

 

UNIVERS PHRASES

 

des grands pans de ma vie rotation de la
toupie d’un camion transportant du béton
la façade de l’université des granulés nous
avons complètement effacé le dessin froi-
dement les billes les images l’odeur infec-
te des latrines scolaires le battement une
force est dans les choses tu répètes trois
fois le même mot les élèves descendent
l’escalier les larges marches en bois gris
une balle de tennis au milieu des plantes
joie j’avance sur le coup qu’un ivrogne
veut me donner épais brouillard dont nous
espérons la dissipation prochaine ce com-
pas de charpentier tu n’as pas l’air frileuse

 

 

 

Ce Monde, poésie, Jan Baetens, éd. Les Impressions Nouvelles, 89 pages.

 

ITINÉRAIRE ITÉRATION

 

« Ce Monde » est un poème infini, mais
qui n’arrête pas de se clore, de s’élaborer
en fonction d’une fin programmée, chaque
fois avec sinon un début, un milieu et une
fin au sens convenu du mot, du moins un
début et une fin clairement reconnaissables
comme tels, et au milieu le retour systéma-
tique du mot-clé du poème. Dans « Ce
Monde », la répétition du mot monde, qui
est aussi la chose monde, sert de relance
mais surtout d’avertissement : c’est une
manière de lutter contre la dispersion, de
revenir sur ses pas, de se retourner sans fin
sur ce qui nous pousse toujours en avant

 

FILANDREUX TARISSABLE

 

mi-tour des poissons leçons de camouflage
ambidextres les filets de la vie invisibles et
nos pauvres regards en arrière jamais vers
le passé seulement vers les moments les
plus délavés moments de grande disparition
d’empaillement la cérémonie est très longue
elle paraît durer plus qu’une vie les masques
survivent au visage des porteurs se referment
les lèvres des vivants et des morts sur des
amulettes en forme de langues on dépose
l’écriture jusque sous la peau puis on recoud
le sens des mots est pourtant connu de
tout le monde à quoi bon le secret faut-
il d’autres mots cela n’est pas utile