8 haricots d'Abigail Lang par Éric Houser

Les Parutions

19 juin
2013

8 haricots d'Abigail Lang par Éric Houser

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Au rayon frais

 

Comme il y eut les dons de fruits glacés mallarméens, j’ai reçu le cordel toulousain d’Abigail Lang comme un don, sans nouvel an de circonstance, mais au cœur (pénultième décile ?) d’un printemps en instance. Vautré sur ma couverture, je l’ai lu d’une traite à haute voix (enfin : demi-haute). Ce n’est pas une poésie qui se tonitrue, il faudrait presque la souffler, s’amusant des chocs sonores, glissants, alignements de mots comme des rangées de dents : pas des dents carnassières. Un peu bêtement, j’ai compté les lettres du mot haricots (titre). Ça tombe bien, il y en a huit. Comme les pages (« contrainte » des objets contrat maint), comme les vers de chaque huitain. Comme les... espèces de haricots ici nommés ? Pas sûr, car il n’y a que sept noms savants latins [entre crochets] : [Vigna angularis], [Erythrina crista-galli], [Laburnum anagyroides], [Colutea arborescens], [Albizia julibrissin], [Lathyrus odoratus], [Phaseolus vulgaris].

Première remarque, c’est beau et léger comme une poudre, un pollen, il y a dans chaque pièce une qualité sonore remarquable, très fine. Deuxième remarque, c’est savant, pas dans un sens lourd, accumulatif, plutôt comme une dispersion joyeuse (gai savoir et saveur), que m’évoque d’ailleurs le « grain zen zinzolin » du premier texte, désignant avec précision le haricot rouge du Japon (car zinzolin, le saviez-vous, est une nuance de rouge, un rouge violacé qui semble bien correspondre à la couleur réelle de l’objet), ou azuki, lequel n’est autre que le Vigna angularis du titre ! Chaque texte tisse ainsi tout un jeu d’échos, dans lequel on aime à se perdre, sans se perdre tout à fait. Échos sémantiques, échos sonores aussi :

Vanité vacuité plein de vide

casse-tête senne des pauvres poches

des pickpockets vaquent bouche cousue

baguenaude vessie translucide lanterne bronze

au soleil beauté cuivrée souveraine

au Vésuve éclate déhisce aux

commissures sèche papier monnaie en

outre engraisse merveilleusement les moutons

[Colutea arborescens], ou baguenaudier. 

Troisième remarque, revenant au huit (couché, c’est l’infini) : c’est que, justement, un mot (grain, graine, rosaire) n’est pas un produit fini, n’est pas un objet manufacturé. Un puits, une crypte parfois. Qui le sait désormais, hormis les poètes ? La poésie d’Abigail Lang est une poésie de mots, dont les bords font alliance, alliage subtil, sans que pour autant l’on puisse la dire asyntaxique. Une version personnelle, stimulante et rafraîchissante de l’axiome de Pound : dichten = condensare.

 

-       Le parti pris des haricots. Compte tenu des mots.

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