Donne-moi ton enfance de James Sacré par Matthieu Gosztola

Les Parutions

17 févr.
2014

Donne-moi ton enfance de James Sacré par Matthieu Gosztola

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« L’enfance ne peut être donnée », prévient James Sacré en ouverture de ce recueil. « [N]i par nos gestes, ni dans nos mots ». Tout juste peut-on, lorsqu’il s’agit d’écrire sur l’enfance, tout juste peut-on donner, c’est-à-dire écrire pour un lecteur, n’importe quel lecteur (j’insiste). Écrire sur l’enfance, cela n’est pas tout à fait juste. Maintenant rectifier. Il faudrait dire : écrire avecl’enfance.

Avec, et non à partir d’elle, car il n’est jamais possible d’écrire à partir de quelque chose ou d’un lieu. Écrire, c’est partir pour l’inconnu, c’est partir vers. C’est ne s’adjoindre à aucun lieu contenu en soi, aucun lieu nous abritant avant ou pendant le geste d’écrire. Aucun lieu originel, aucun ventre maternel (aucun silence).

C’est ne prendre appui sur aucune margelle. Juste se jeter dans le vide. À partir du vide. Voilà ce que nous chuchote en substanceJames Sacré. Poème après poème après poème.

 

 

 

 

 

La poésie de James Sacré

Donne son frisson bref

Mais répété

 

& appuyé

 

Son mouvement endiablé

Son déchaînement de tendresse

Sa mélodie de ruptures

De brisures petites

Au lecteur, à je, tu, il / elle, nous, vous, ils / elles

 

Mouvement endiablé mais en douceur

Pour dire l’indistinct

D’à l’intérieur de soi

Et les pensées                          de tristesse, de bonheur réel d’être ensemble et indivisible,

de joie tremblante de n’être que joie

                                                (de n’être que                                            passagère),

 

Qui appuient

Doucement

Sur le cœur

 

Mouvement

Où la vie

Se fraie un chemin

 

Et jamais ne relâche

Son emprise

Pourtant toujours

Vacillante

 

Jamais / toujours

 

La vie est là

Même quand c’est la mort

Qui se dit                                                        (qui est dite)

 

La vie est là

Dans sa première fois

Dans sa ferveur

Dans son innocence

Retournée

En aveu de brûlure

Et de faiblesse

Et d’au revoir                            (presque fin)

 

La vie est là

Pour tous les instants

Du temps tenu
Ensemble

Qu’est un
Poème

 

Un jour on finit par ne plus rien faire de vrai

Tout n’est plus que faribole et poème

Ou beaux objets qui n’ont plus d’usage ; tout rangé

Dans l’ordre et des meubles fermés, des livres.

Mais faut rien en déduire ni croire

À quelque chose de perdu. Tout reste vivant.

 

Le vent remplit la nuit de rumeurs

De souvenirs portés par des mots.

 

Ce n’est que du vent

Les souvenirs, les mots ne sont que ces mots.

 

Mais le vent déjà

A touché à notre enfance,

Et touche cette nuit aux mots venus

À cause de sa grande rumeur de rien dire.

 

Le vent qui ressemble au temps.

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