L'AMOUR, LA PO…SIE, LA R…VOLUTION de Maïakovski

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28 juin
2011

L'AMOUR, LA PO…SIE, LA R…VOLUTION de Maïakovski

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À grands pas, j'avale des kilomètres de rue.
0ù aller, avec cet enfer en moi ?
Quel Hoffman, là-haut,
t'a imaginée, maudite femme ?

Rues trop étroite pour les tourbillons de la joie.
La fête emporte, elle emporte les élégants.
Je réfléchis,
et mes pensées, caillots de sang,
souffrantes et gercées, glissent de mon crâne.

Moi,
prodige de toute fête,
et personne pour la fêter avec moi.
Je vais, d'un coup, m'effondrer à terre,
fracasser ma tête sur une pierre du Nevski !
Je blasphème.
Je hurle que dieu n'existe pas,
et dieu, des profondeurs de sa fournaise, tire
celle qui trouble et bouleverse même les montagnes,
il me la donne et ordonne :
aime-la !

Dieu est satisfait.
Sous le ciel, sur l'abîme,
l'homme accablé redevient sauvage et s'éteint.
Dieu se frotte les mains.
Et il pense, dieu, :
attends un peu, Vladimir !
C'est lui, lui, encore,
qui, pour qu'on ne soupçonne pas qui tu es,
imagine de te donner un mari légitime
et d'ouvrir sur le piano une partition humaine.

Si je me glisse soudain par la porte de la chambre,
et fais un signe de croix sur votre édredon,
je le sais -
ça sentira le roussi
et le souffre en fumée de chairs du diable.
Plutôt que ça, et jusqu'à l'aube,
dans l'horreur qu'on t'ait emmenée là pour être aimée,
je taille
mes cris pour y gagner des vers,
joaillier déjà presque fou !
Plutôt jouer aux cartes !
Plutôt rincer dans le vin
la gorge d'un cœur qui se dessèche de gémir !

Je n'ai pas besoin de toi !
Je ne veux pas !
C'est égal,
Je le sais,
bientôt je vais crever.

Si c'est vrai, que tu existes,
dieu,
mon dieu,
si c'est toi qui tisses le tapis des étoiles,
si cette douleur
chaque jour plus profonde,
cette torture, est ton produit, seigneur,
porte alors la chaîne du juge.
Attends ma visite ;
Je serai à l'heure,
je ne sauterai pas un jour.
…coute,
suprême inquisiteur !

Bouche cousue.
Pas un cri
ne sortira de mes lèvres mordues jusqu'au sang.

Attache-moi aux comètes, comme à la queue d'un cheval,
laisse courir,
que me déchirent les dents des étoiles.
Ou encore :
quand mon âme en fuite
se présentera devant ton tribunal,
hébétée, sourcils froncés,
toi,
la Voie Lactée changée en potence,
tu pourras me pendre, je suis un criminel.
Fais ce que tu veux.
…cartèle-moi, si tu veux.
Je te laverai les mains, à toi, le juste.
Seulement -
entends-tu ! -
emmène cette maudite femme
dont tu as fait mon amour !

À grands pas, j'avale des kilomètres de rues.
Où aller, avec cet enfer en moi !
Quel Hoffman, là-haut,
T'a imaginée, maudite femme !
Le commentaire de sitaudis.fr extrait de La flûte de vertèbres, dans cette édition où figurent de nouvelles traductions par Henri Deluy de trois autres grands poèmes lyriques de Maïakovski, précédées de l'adresse au grand poète russe par le même dont on avait déjà apprécié une première salve, L'adresse à Vladimir, publiée en 2009 par l'éditeur regretté, Inventaire/Invention. Avec une biographie par le même HD, des notes et de nombreuses photographies et illustrations dont les reproductions d'œuvres de RODTCHENKO.

choix de poèmes, traductions, présentations HENRI DELUY
éditions Le Temps des Cerises
320 p.
22 €
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