Les Exozomes de Charles Pennequin par Christian Désagulier

Les Parutions

12 mai
2016

Les Exozomes de Charles Pennequin par Christian Désagulier

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Une souris verte

 

 

 

Il faut tout tenir pour dit..

 Il y en a même pour votre serviteur :

 ils se disent lecteurs de près, de tellement près qu'ils s'imaginent avoir pensé quelque chose, alors qu'ils répètent. ce ne sont que des crapauds répétiteurs. des singes savants...

Commençons donc par dire ce que les exozomes ne sont pas : les exozomes ne sont pas des exosomes, lesquels exosomes sont selon wikipedia, soit des structures destinées à démonter les fragments de biomolécules, soit des vésicules que libère une cellule dans son environnement..

Les exozomes ne sont pas des exosomes, encore que, peut-on penser, les exosomes empruntant l'échelle hélicoïdale du vivant, remontent parfois des mots en vrac issus d'un démontage sémantique lesquels mots une fois largués dans l’espace de la page refont des phrases qui racontent des histoires d’exozomes..

C'est à dire que les exozomes, les exo-hommes, les êtres humains habitants de potentielles exoplanètes étaient zozos plus loin avant, puisque franchir l’espace c’est avaler des pilules de temps, du temps en comprimé, pour ne pas mourir avant d’être arrivé à terme. C'est à dire que les exozomes, étaient des ex-zozos plus lourds hier qu'au-delà, puisque franchir l’espace c’est jouer au billard sur un trampoline gravitationnel..

C'est qu'à force de lire du Pennequin cela déteint sur soi, ce qui est la marque d'une étrange familiarité avec les messagers de l'éden (sic) rentrés dans l'arène (resic)..

imagine-le un peu avaler toute la saison le chien. la saison en enfer. en une bouchée il a bouffé le manuscrit de rimbaud !... les romanciers dévorent aussi tout ce qu'ils trouvent à lire. en effet, c'est infernal de lire tout et n'importe quoi! Il ne faut pas trop lire quand on écrit, sinon à trente ans on est farci. il n'est plus bon à rien. tous les romans sont rentrés dans sa tête et il n'y a plus de place pour l'auteur... c'est le drame de tout créateur. d'avoir fait une œuvre et que cette œuvre identifie un auteur. que cette œuvre désigne une façon de faire, un style. c'est le drame de toute la création. car finalement, faire une œuvre, c'est mourir. c'est se donner pour mort...

 Exozome est un oxymore : « occis mort » est un pléonasme donc exozomes l'est..

On aurait dès lors envie de recopier tout le livre : à quoi bon faire le singe savant ? Une phrase en entraînant une autre par injection subjective. Car Pennequin est un logicien de la phrase, est un phraséologue..

Et s'il y a de l'idéologie, c'est que l'idée est inséparable du phrasé. Ainsi le choix des figures de rhétoriques tout comme celui du travelling ou de la contre-plongée, allongé sur le carrelage de la cuisine où se passent les exactions de l’ouvrage de Charles Pennequin. Tel choix de matériau et d’outil pour faire un tableau comme celui d'un pot de phrases percées, de tel objet sonnant de la musique comme un pot de phrases percées de plus ou moins de trous noirs, selon que l’on souhaite que l'instrument fasse ding, dong, bing ou bang, que l'on veuille faire de la musique des trous, des cordes ou des sphères, qui obéissent à des lois morales kantiennes, ou pas..

C'est à la forme seule, à la seule forme qui passe par la bouche pour atteindre le fondement, transite par le corps, c'est au style qui est l’homme même selon Buffon, qu'il est dévolu de répondre aux questions : Que puis-je savoir ? Que dois-je faire ? Que m'est-il permis d'espérer ?

 

Que puis-je savoir ?

 Si l'on se réfère au Bon Usage de Grévisse :

«  a) Le nom commun est celui qui s'applique à un être ou à un objet en tant que cet être ou cet objet appartient à une espèce ; ce nom est « commun » à tous les individus de l'espèce : Cheval, maison, douceur, pays, récompense.

b) Le nom propre est celui qui ne peut s'appliquer qu'à un seul être ou objet ou à une catégorie d'êtres ou d'objets pris en particulier ; il individualise l'être, l'objet ou la catégorie qu'il désigne : Liège, Molière, Provence, Anglais.. »

Ce que Pennequin écrira auchan, picon, lacan, tergal, bleu, sainte-maxime, iggy pop, jarry, quend, stella-plage, on ne prononce pas les majuscules, épaississant ainsi le dictionnaire des noms communs, faisant de deux dictionnaires académiques un, en bon communiste des mots : tous les noms propres sont des noms communs..

Ainsi, ce qui distingue le nom commun du nom propre est le nombre, selon qu'il est un ou l'unité de l'espèce, multiple de un à somme nulle, nullité, occis mort, oxymore, exozome..

Point et Majuscule font pléonasme, apportent la preuve à répétition qu'en tout être humain il y a un mouton qui bêle dans son sommeil et qui par manque d'affection est prêt à se jeter dans les bras de la dernière venue, à la queue leu leu..

La phrase de Pennequin sera donc sans majuscule par amour des mots parlécrits. Puisque le nom propre est mort et qu'il y a déjà des points pour dire que c'est fini, pour dire que c'est là que tout recommence à zéro ou à un : au tableau de vérité, p et p est p..

 l'écrit brouille l'écoute. l'écrit traverse la page et se sert du sens pour s'envoler. l'écrit le sens envolé vadrouille dans l'espace comme un spoutnik.... l'écrit c'est le bruit de l'autre. et le bruit de l'autre m'occupe. comment faire du bruit avec le son blanc du papier. l'écrit poétique est forcément visuel et sonore, car il est comme un acte sexuel réussi, c'est à dire qu'il ne fera pas débander l'amour.

 La suppression des majuscules n’est pas une affaire de morale mais l’affirmation d’une conception du monde, communale, équalisante, mine de rien, comme dirait le foulosophe..

 Un point pour marquer un silence, des points-pauses posés pas n'importe où dans la phrase où la pause s'impose : textes qui sont des partitions pour instrument à parler, dehors et dedans, des rondes infernales, en boucles ouvertes, la bouche ouverte..

ça nous occupe qu'un temps le bruit des autres. Après on revient à soi. on ne revient que de soi. avec l'autre en bruit de fond. Et nous-mêmes avec. Nous dans le bruit de fond de soi-même. car soi et nous-mêmes ça fait deux. ça fait la paire, comme on dit. vous faites bien la paire toi et nous disent-ils. mêmes si c'est à un autre qu'on parle. et cette autre paire, elle se trouve où? où peut se trouver un autre pareil, dans tout ce fourbis ? un pareil autre qui serait hors du fourbi. car les fourbis ça peut nous porter loin. hors du système connu. le système avec ses planètes. L'autre, il peut être un exozautres du coup. d'ailleurs, les exozautres, on serait bien surpris de les découvrir. car ils seraient comme nous les exozautres. ils nous ressembleraient trait pour trait. il suffit d'écouter ceux qui se penchent sur les galaxies autres, les galaxies d'exozautres, pour savoir que leur bruit est plutôt commun. on a communément le même bruit, disent-ils. c'est le bruit du début. tout a commencé par un bruit et on le retrouve tout partout maintenant. il est assourdissant. même en soi on retrouve ce bruit, c'est le bruit de l'exozautres. avec des hommes dedans. des exozomes.

 

Que dois-je faire ?

La phrase vous donne le tournis jusqu'à l'envoûtement, sur quoi sa capacité de vous tournebouler était fondée : la phrase de Pennequin vous détourne. Après vous avoir tourné en orbite sur vous-même comme à colin-maillard, pour demeurer immobile en face de vous-même, vous avoir transformé en centrale inertielle, la phrase allume les rétrofusées et d'une impulsion opposée vous prend par les épaules, vous embrasse dans ce noir de bandeau depuis que nous en sommes tous sortis jusqu'à ce que tous nous y retournions, où nous sommes irrésistiblement happés, je avec tous les autres, la phrase vous caresse, interrompt le loup tandis qu'il dévore le mouton, vous fait retrouver l'esprit l'espace d'une femto seconde, vous attire dans un trou de ver, dans les trous de ses vers que la phrase a pointés, a forés : la marque des grands derviches..

Pourquoi le capitaine fendu fait-il penser au Major fatal de Mœbius, et ronron le romancier, le chefaillon, la fiancée, le crabe à plein que l'on a déjà rencontré quelque part, mais où ?

 le capitaine fendu s'en fout lui. Il s'en fout toujours le capitaine fendu. il danse les nichons à l'air, car le capitaine a des nichons et ils sont à l'air libre. on voit sauter les tétons durs du capitaine fendu, quand celui plonge sur la piste. quand il roule sur le sol ou quand il remonte sa tête et expulse son corps de la mêlée. il a des bons bras durs le capitaine fendu, ce qui fait qu'il fait valser tout son petit monde sur la piste. la piste transpire. ronron est exténué. il prend tous les livres de la lettre f de la bibliothèque et se met à danser avec. ronron dit : c'est plus reposant de danser avec des bouquins. c'est plus reposant que de danser avec le capitaine fendu.

 

Que m'est-il permis d'espérer ?

 Si ce livre est celui d’un ethnologue opérant sur le terrain des exoplanètes, il se réfère aux us et coutumes martiennes et notamment au récit mythique de la destruction de notre planète par un martien rejoint par sa maman et la soucoupe volante..

 

la soucoupe et la maman sont émerveillés par tant de destruction
tous les humains ont été détruits maman !

c’est la création
le martien se demandait ce qu’il allait bien fabriquer aujourd’hui
que vais-je bien faire de neuf aujourd’hui, se demande le martien ?

alors le martien détruit
le neuf c’est détruire l’œuvre d’avant

la création c’est ça
c’est détruire à partir de ce qui a été détruit

il faut aller à la destruction absolue
il faut creuser là-dedans
et ne pas se laisser distraire !

...

 

Ce livre ne fait pas l’impasse sur une topologie possible des exoplanètes : c’est, à ce titre, un ouvrage expérimental, ex-péri-mental..

Lettre à lettre à mot à mot, sujet, verbe complément, il n'y a pas de destin qui ne soit piste de danse en forme de ruban de Mœbius, danse qui ne soit ronde. Pas à pas de danse qui ne nous reconduise toujours au même point, non sans auparavant nous avoir mis un casque sur la tête, le casque à pointe tournée vers l'intérieur, la tête en bas, c'est à dire en haut, on ne peut pas dire quand on est bourré dans les profondeurs, appesanti, étourdi pour s’être cogné à tous les poteaux, intersidéré..

 Ce qui arrive quand on boit directement à la bouteille de Klein : poème..

 Avec ce nouvel opus qui relève du troisième romantisme, Charles Pennequin nous branche sur un nouvel appareil respiratoire dont le gaz est à mourir de soi aux éclats, gaz de survie à rire aux éclats d'amour..

 Je est un n'autre, il faut le tenir pour être dit..

 

 

 

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