Place Nette de Jean-Christophe Pagès par Nathalie Quintane

Les Parutions

10 déc.
2008

Place Nette de Jean-Christophe Pagès par Nathalie Quintane

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Voilà un livre qui n'est pas sans évoquer, plutôt qu'un autre livre, le chef d'œuvre en film de Claude Faraldo : BOF, anatomie d'un livreur. Bouts de personnages classe moyenne témoignant indifféremment par bribes du tout-venant et du pire, dont on devine qu'ils pourraient reprendre à leur compte le fameux échange faraldien, baigné d'une atmosphère familiale, chaleureuse et gaie :


- Papa ?

- J'ai tué ta mère, j'ai couché avec ta femme, appelle-moi Paulo !


Il faut une grande finesse narrative pour ainsi saisir des situations d'ores et déjà dévissées bien que familières : le type qui ne porte que des chaussettes noires, l'organisateur de fête ou celui qui décide de tomber amoureux, l'instit' qui a trop regardé l'Instit etc.


L'air de rien, ça pourrait être le nom de ce régime tenu au début des années 70 par Faraldo, tenu ici par Pagès, qu'aucun adjectif ne parvient à qualifier parce qu'il fixerait trop un sens et que tout se passe du fait qu'un sens n'est pas fixé, qu'on ne peut pas vraiment dire que ces textes soient "humoristiques" bien que certains passages soient hilarants (non en eux mêmes mais par leur place à telle ou telle étape du récit), qu'on ne peut pas dire non plus qu'ils soient "parodiques" (parodies de quoi ?) puisque la phrase est à l'image des personnages - concernée, au ras du guidon, complètement à l'Ouest -, qu'on peut encore moins dire qu'ils rendent compte d'un quelconque "réel" ou d'un "infra-ordinaire". Il y a quelque chose là qui se fout de l'exactitude et qui est exactement terrifiant.


Place Nette aurait pu paraître chez Verticales ou l'Olivier - mais ce serait aussi inutile que de regretter que BOF anatomie d'un livreur ait eu moins de succès que Les Valseuses. L'anarchisme à froid est déstabilisant ; on préfère en général se rassurer en lisant les œuvres complètes de Bakounine ou l'un de ces bons vieux philosophes qui ont beaucoup travaillé à mettre des points sur des i.

Avec Pagès, le point est déjà mis, et il n'y a pas de i dessous.


Note :

Toujours aux éditions Chien, je signale la parution du n° 4 de la revue dont-le-nom-ne-peut-être-dit-parfois, et dont le sous-titre (après Poésie, Essai) est : Melun.

Melun
s'encadre d'une couverture grise et luxueuse, se nourrit de textes nécessaires et se clôt par une photocopie couleur pourrie du drapeau français.




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