Reznikoff translated by Antonnikov

Les Parutions

25 juin
2016

Reznikoff translated by Antonnikov

  • Partager sur Facebook

Hormis par Christian Désagulier sur ce site ou d'autres, les traducteurs ne sont pas assez souvent considérés ni même questionnés.

A l'occasion de la parution en version bilingue (ce qui mérite d'être salué) de Separate way de Charles Reznikoff (http://www.sitaudis.fr/Parutions/une-strophe-d-actualite-charles-reznikoff.php) traduit par Eva Antonnikov (Chacun son chemin), nous avons échangé une correspondance avec elle dont on pourra lire ci-dessous des extraits, après une brève présentation.

 

 

Eva Antonnikov est née à Zurich en 1958. En 1980, elle s’établit à Lausanne où elle obtient une licence ès lettres en 1991 (russe, espagnol, français).

Elle travaille actuellement à temps partiel en tant que secrétaire de rédaction pour le mensuel "La Vie protestante" (Genève), tout en se consacrant de manière active à la traduction littéraire.

Outre le français, elle pratique couramment l’allemand (sa langue maternelle), l’anglais, le russe, l’espagnol et l’italien.

 

 

Traductions de l’anglais

Robert Flaherty & Edmund Carpenter, L’Histoire de Comock l’Esquimau, Genève, Héros-Limite, 2009.

Charles Reznikoff, Rythmes 1 & 2, Poèmes, Genève, Héros-Limite, 2013.

Charles Reznikoff, Sur les rives de Manhattan, Genève, Héros-Limite, 2014.

Charles Reznikoff, Chacun son chemin. Poèmes. Genève, Héros-Limite, 2016

 

Traductions de l’allemand

Else Lasker-Schüler, Secrètement, à la nuit, Genève, Héros-Limite, 2011.

Rose Ausländer, Sans visa. Tout peut servir de motif et autres proses. Genève, Héros-Limite, 2012.

Thilo Krause, Et c’est tout ce qu’il faut. Poèmes. Editions d’en bas, août 2015.

 

Traduction du russe

Daniil Harms, Le Samovar. Poèmes. Genève, Héros-Limite, septembre 2015.

 

 

 

Pierre Le Pillouër

À : Eva Antonnikov

Rép :

 

Bonjour Eva Antonnikov,

 

dans votre traduction de Separate way de Reznikoff, à la fin du poème Quartier des Chapeliers p. 15, vous traduisez « girls » par « ouvrières » alors que le terme moins précis de « filles »  me semblait plus juste du point de vue du rythme mais surtout plus ambivalent, plus poétique …

 

 

 

Eva Antonnikov

À : Pierre Le Pillouër

Rép :

 

 

...

 

Afin de répondre à votre question de façon circonstanciée, je remets le mot « girls » dans son contexte:

 

At closing time, the girls breathe deeply

the clean air of the streets

sweet after the smell of merchandise.

 

Vous avez tout à fait raison: on aurait pu traduire par le terme plus ambivalent et plus poétique de « filles » le mot anglais « girls » … sauf que - mais c’est mon avis subjectif - Charles Reznikoff fait ici probablement référence non pas à des « filles » qui se promènent dans la rue, mais effectivement aux « filles » (« girls ») qui travaillent dans la boutique des chapeliers. J’ai donc choisi de traduire par le terme plus précis - bien que moins poétique - d’ « ouvrières ».

 

Ayant précédemment traduit les tout premiers poèmes du même Charles Reznikoff, Rythms I & II et Poems (parus également aux Editions Héros-Limite), mon choix, dans ce cas précis, a aussi pu être influencé par des poèmes se rapportant à des contextes similaires…

 

 

Eva Antonnikov

 

Pierre Le Pillouër

À : Eva Antonnikov

Rép :

 

merci beaucoup Eva Antonnikov,

d’avoir répondu aussi vite et précisément à ma question.

Je me permets donc de vous adresser une seconde question

elle concerne votre nom et sa consonance avec les deux dernières syllabes de celui du poète :

est-ce un pur hasard ?!

Et même une troisième, d’ordre général : êtes-vous poète vous-même ?

 

 

Eva Antonnikov

À : Pierre Le Pillouër

Rép :

 

 

 

la consonance entre Antonnikov et Reznikoff est une pure coïncidence !

(Je n’ai pas d’origines russes, mais ai gardé ce nom auquel je m’étais habitué après m’être séparée de mon premier mari.)

 

Et pour votre deuxième question: non, je ne suis pas poète moi-même, mais j’ai jusqu’à maintenant traduit surtout de la poésie - hormis un roman de Charles Reznikoff, Sur les rives de Manhattan !

 

Si vous prenez un petit moment pour regarder le site des Editions Héros-Limite (ce que vous avez sans doute déjà fait), vous trouverez toutes mes traductions parues chez cet éditeur.

 

 

Eva

 

Pierre Le Pillouër

À : Eva Antonnikov

Rép :

 

Merci beaucoup Eva.

Je crois que le terme coïncidence recouvre une certaine réalité en l’asphyxiant ; il ne convient certes pas non plus de laisser partir des incendies qui nous conduiraient 

dans la folie tourbillonnante des signes ! On doit pouvoir les entendre vibrer, hors superstitions et délires, comme des ailes d’oiseaux et comme des questions.

 

Voici mes questions suivantes (vous ne pourrez sans doute pas répondre à toutes avant votre retour) :

 

- quels rapports voyez-vous entre la prose narrative de CR et ses poèmes ?

 

- connaissez vous le travail effectué par Marc Cholodenko sur Testimony ? Si oui, qu’en pensez-vous ?

 

 

Eva Antonnikov

À : Pierre Le Pillouër

Rép :

 

Merci, Pierre.

 

Vous avez sans doute raison pour ce qui est de la coïncidence.

 

Quant à vos questions, je vous demanderais effectivement un petit délai, cette fois-ci.

 

A mon tour de vous poser une question, voire deux : Comment avez-vous découvert l’oeuvre de Charles Reznikoff ? Et quelle a été la première oeuvre de CR que vous avez lue ?

 

Bien cordialement à vous,

Eva

 

Pierre Le Pillouër

À : Eva Antonnikov

Rép :

 

 

 

C’est la même réponse pour les deux questions :

 

étant poète moi-même, j’ai connu d’abord Reznikoof seulement par la magie de ce nom cité ça et là puis en 2007 seulement

à travers ce livre et la recension de mon amie Nicole Caligaris :

 

http://www.sitaudis.fr/Parutions/holocauste-de-reznikoff.php 

 

en attendant le plaisir de vous lire.

 

 

 

Eva Antonnikov

À : Pierre Le Pillouër

Rép :

 

 

 

Désolée de vous avoir fait attendre…

 

Oui, je suis prête à continuer le jeu de questions-réponses !

 

D’ailleurs, il y a deux questions qui sont restées ouvertes:

 

pour ce qui est de Témoignage, traduit par Marc Cholodenko, je vous avouerai que je ne connais pas suffisamment bien ce texte pour pouvoir en parler en détail…

Toutefois, les extraits que j’ai lus m’ont semblé poignants, bouleversants.

 

Votre deuxième question - concernant le rapport entre prose et poésie de CR - me demandera un peu plus de temps…

 

Mais si, en attendant, vous avez d’autres questions, je suis prête !

 

 

Eva

 

Pierre Le Pillouër

À : Eva Antonnikov

Rép :

 

 

 

Voici d’autres questions :

 

- quels poèmes de CR vous ont donné le plus de satisfactions sur le plan de la traduction ?

le plus de difficultés ? Pouvez-vous nous donner des exemples ?

- traduisez-vous toujours sur commande ? Etes-vous prête à toutes les accepter ?

- de manière plus générale, considérez-vous la traduction comme un métier ou un art ?

 

Eva Antonnikov

À : Pierre Le Pillouër

Rép :

 

 

 

 

Pour ce qui est des poèmes de CR, je limiterai mes réponses au dernier recueil, Separate Way - si vous êtes d'accord ?

 

1) un exemple de poème qui m'a donné satisfaction: le premier poème du cycle Chacun son chemin

 

2) un exemple de traduction "ardue" : 

le petit poème 

I eat and am happy

I am hungry and sad

that so little means so much etc.

 

Pas évident de rendre en français ce que CR exprime de façon si concise. (Mais je crois que finalement je suis assez contente de ma solution...)

 

3) traduction sur commande ou pas ?

J'ai eu la chance de pouvoir, à plusieurs reprises, proposer moi-même des textes traduits à l'éditeur.

Les textes que j'ai traduits "sur commande" étaient (jusqu'à présent) toujours à mon goût, et j'en étais même enchantée ...

Jusqu'à ce jour, je ne me suis jamais trouvé dans la situation où je devais refuser une commande.

Mais je le ferais sans hésiter si le texte ne me "parlait" pas. Je dois dire que je ne vis pas de mes traductions littéraires - je peux donc me permettre ce "luxe" !

 

4) la traduction, un métier ou un art ?

Selon moi, les deux à la fois !

Un métier dans le sens qu'il faut "se faire la main", s'exercer, acquérir et affiner certaines techniques (de même qu'un musicien fait ses gammes).

Un art dans le sens que la traduction constitue une création artistique à part entière - à mettre sur le même niveau que le texte original, selon moi.

 

Enfin, pour la question laissée en suspens, je ne vois pas de différence fondamentale entre la prose et la poésie de CR.

A part, bien sûr, l’élément formel - la poésie impliquant une plus grande concision, des rimes (parfois), et une organisation rythmique de la langue.

Pour moi, la prose narrative de CR se caractérise par sa retenue, son absence d’emphase, sa sobriété - éléments que l’on retrouve également dans sa poésie.

 

En espérant avoir pu répondre à vos questions,

je vous souhaite une très belle journée

et vous salue bien cordialement,

 

Eva

 

Le commentaire de sitaudis.fr

Héros-Limite, Genève 201678 p.
12 €

Retour à la liste des Parutions de sitaudis