Ricordi de Christophe Grossi par Jean-Paul Gavard-Perret

Les Parutions

13 oct.
2014

Ricordi de Christophe Grossi par Jean-Paul Gavard-Perret

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     Le désordre des pages empilées du passé ont toujours quelque chose de lascif dont nul ne viendra jamais à bout. Reste l’enchevêtrement des nuits et des jours. Christophe Grossi le reprend dans un paradoxal « Je me souviens ». Il n’a plus rien à voir avec celui de Perec puisque le poète - né en 1972 - se souvient de faits qu’il n’a jamais connus. Sa quête le ramène à ses racines italiennes. Pour qu’elles soient moins terreuses il en extirpe ce qui l’a façonné. Il procède à coups de fragments qui segmentent la coulée grise du temps.

   Grossi évoque ce qui l’habite pleinement. Le titre « Ricordi »  contient à ce propos un  glissement de sens significatif : il ne s’agit pas d’un simple « je me souviens » mais d’un « Je me souvient ». Si bien qu’est créée une vision plus profonde sur l’Italie de trois décennies : 40, 50 et 60. En émerge un amour filial capable de dépasser le « cas » Grossi. Après qu’il eut rongé et fut repoussé il se met à brûler et à attirer, le tout dans un élan, une pente et surtout une remontée. Car si dans le « ricordo » n°1 « quelqu’un a parlé dans l’obscurité, quelqu’un a parlé, dans le noir quelqu’un vient de dire Oublie », très vite le travail de mémoire, de recouvrement et de construction de l’identité opère.  L’anecdote violente (drame de la mine) ou érotique (les concours de beauté dont l’Italie avait et garde encore le secret) devient une fondation dont chaque « laisse » reste la marque et l’empreinte. L’autrefois y rencontre l’aujourd’hui pour former une suite de constellations.

   Les faits évoqués reviennent en force vive, le passé ricoche et lance une lumière plus juste sur le maintenant. Le livre avance à travers le temps tel un feuillage qui remue sous l’orage ou la caresse des brises. Par ce travail le manque ne saccage plus. Mots et images ne sont plus murés sans pour autant devenir des figures étranges. Dans une parole simple et le fragment l’être se rejoint. Le sable du temps fait soudain masse. Il donne au lecteur comme à l’auteur une structure à qui il est.

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