Poésie perdue : AZUR ! AZUR ! par Daniel Farioli

Les Incitations

02 nov.
2017

Poésie perdue : AZUR ! AZUR ! par Daniel Farioli

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 S’il y a bien une mythologie qui semble perdue, désertifiée dans ce monde, c’est la poésie.

Pas celle qu’on lit sur Internet. Celle qui serpente au sein même des consciences suffisamment aiguisées, même si elles sont souvent anonymes.

J’ai toujours pensé qu’un jour un certain Art et une certaine culture, vers la fin de ce monde, n’existeraient que comme une aube ésotérique pour chercheurs d’idéal impénitents ; donc, pour chercheuses aussi. 

Ces petites choses, selon l’expression du Marchand de Sel, trop éloignées de l’utilitaire et de l’économique ne peuvent que devenir rares et ignorées. Il en va ainsi de ce qui, semblant stérile, demande en abysse tout autre chose que les soldes offertes en grande surface.

Le superficiel gagne du terrain et le dire n’est pas une aigreur, mais une constatation quotidienne, puisque la poussière n’est plus ce qu’elle était. Avant, c’était la bonne poussière qu’on déplaçait et qui s’entêtait à revenir. Maintenant, c’est une poussière obèse devenue virtuelle et qui insensiblement finit dans les datas sans rivages et sans Syrtes. Cela ne veut pas dire également qu’il n’y a plus de saison. Oui, il y en a et beaucoup sont en enfer. Cela ne veut pas également dire qu’il n’y a plus de jeunesse. Au contraire les humains se répliquent comme des lapins, ainsi que l’a montré Ludwig Wittgenstein qui, par ailleurs, voulait qu’on redonne à l’existence son miracle. Pour la poésie, on a dit que Mallarmé en avait été le fossoyeur ; évidemment ce qu’il écrivait demandait plus de temps, de grands écarts de pensée et des plongées en eaux profondes. Proférer cette insulte c’est comme dire que Kandinsky a été le fossoyeur de la peinture et ne parlons pas de ceux qui ont raréfié leurs gestes et leurs pigments jusqu’à l’extrême.

Il faudrait penser comme cela : ces attitudes extrêmes sont des tensions vers des sortes de ruptures de symétrie qui mènent à des transitions de phases ; ou si on veut à des transitions de conscience cognitives. Cela se passe  comme ça dans tous les domaines. Où tous les réels règnent, ces ruptures, ces catastrophes permettent une dynamique vers d’autres genèses.

Je me souviens d’un professeur de littérature, spécialiste du surréalisme, qui m’avait confié : « Mallarmé, pour moi, ça ne passe pas. » Je n’avais rien répondu, car la poésie, quelle qu’elle soit, ne requiert aucune recette, c’est le contraire de la cuisine. Toujours en Art : expliquer, c’est trahir. 

J’aurais dû essayer de mettre cette femme de lettre sur une voie, sur une sorte d’aiguillage euristique. Mais j’en fus incapable. Seuls les littéraires ont besoin d’analyse littéraire. À nous, les simples peintres ou artistes d’improbables randonnées, Mallarmé nous murmure aux yeux et cela suffit pour rendre plus aventureuses nos insomnies :

Ses yeux polis sont faits de minéraux charmants
Et dans cette nature étrange et symbolique
Où l’ange inviolé se mêle au sphinx antique,
Où tout n’est qu’or, acier, lumière et diamants,
Resplendit à jamais comme un astre inutile
La froide majesté de la femme stérile.

 

 Or, acier et diamants… Cela ne vous rappelle-t-il pas ce qui est devenue une expression presque commune ?