Renversement (L3) par Jean-Marc Baillieu

Les Incitations

30 mars
2020

Renversement (L3) par Jean-Marc Baillieu

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(Les Lundis d’un confinement – 3)

Effectivement, dans la présentation de son ouvrage, l’auteur parle de fonds de tiroir dont, plus âgé, de l’eau ayant coulé sous les ponts, il aurait finalement flairé, puis tiré le meilleur : le geste créateur vaut pour ce qu’il est, mais dans les circonstances (savoir ses jours comptés par une maladie fatale), tout jeter aurait relevé de la rupture (avec des instants de vie passée) voire d’une attitude anticipant la fin proche : la composition sélective d’un livre qu’il savait pouvoir être publié avec soin et sans délai relevait donc bien d’un ultime sursaut d’élan vital « d’autant qu’exaltant le corps féminin », ajouta-t-il.

Quant à je (des nouvelles de Katalin Molnar ?), sans cesse attiré plus qu’obnubilé depuis quelques jours par le dessin en légère perspective latérale d’un portique, trois colonnes et un péristyle, fûts de colonne abîmés par le temps et chapiteau colonisé par des végétaux, assurément une ruine non écroulée qu’aurait pu croquer Hubert Robert, a priori romaine puisqu’illustration en quatrième de couverture de Trésors de Rome, un livre de Hans von Hülsen, traduit de l’allemand par M. Muller-Strauss pour Flammarion1962.

De là facilement ou logiquement rebondir sur cette Chronologie des fouilles, titre potentiel du journal d’une archéologue en short, tee-shirt kaki échancré et Converse All Star Chuck Taylormarque déposée, à la chevelure auburn en chignon dont des mèches s’échappant seraient régulièrement remises en place par la main au gant gainant de la dite au visage à peine maquillé orné de quelques perles de sueur, à chacun ses fantasmes me direz-vous, mais l’important de l’affaire est que la dite fouilleuse de site funéraire fut la première en contact avec les lambeaux d’une toge imprégnée de la sueur d’une mort virale soudainement devenue opportunferment d’une catastrophe d’envergure. Fiction fantasmatique un tantinet machiste voire misogyne diriez-vous ? Peut-être. Parce que, m’objecteriez-vous, les vecteurs de l’invasif fléau auraient aussi pu être, au goût d’un pangolin, quelques fourmis sorties d’un sol funéraire. « Fausse piste, fausse piste », répétions-nous confinés confirmés que nous étions.

A propos de Friedrich Hölderlin, ses poèmes peuvent être lus à cru (1) sans la sauce amphigourique de Martin le nazillon (qui, par ailleurs, ne leva pas le petit doigt pour soutenir Edmund Husserl son sésame universitaire inquiété puis démis par l’ordre à svastika), et on lira/relira avec délectation le portrait du « ridicule petit-bourgeois national-socialiste en culotte de golf (…) feutrée devant l’hypocrite blockhaus de Todtnauberg » dans le Alte Meister -Komödie de Thomas Bernhard (2) et ce, quoi qu’aient pu complaisamment dire et écrire au Thor et ailleurs feu René Char et consorts.

Pour clore, une précision relative à la fin du précédent Lundi… (intitulé Mumu & Alii) : Gabriel, c’est Gabriel Randon de Saint-Amand, Jehan (3) Rictus de son nom de plume.

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(1) en allemand dans Œuvre poétique complète avec traduction de François Garrigue (éd. la Différence, 2005). Voir aussi les traductions de Bernard Pautrat  chez Rivages (Poche bilingue, 2001 et 2004).
(2) traduit1988 Maîtres anciens -Comédie par Gilberte LambrichsGallimard.
(3) des nouvelles de l’autre Jehan : Van Langhenhoven ?