Cinq zéros de sang de Nazîh Abou Afach par Jean-Marc Baillieu

Les Parutions

17 oct.
2018

Cinq zéros de sang de Nazîh Abou Afach par Jean-Marc Baillieu

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Être poète dans un pays en guerre de nos jours, en Syrie comme Nazîh Abou Afach (né en 1946) également « peintre et passionné de musique », instituteur puis lecteur de manuscrits aux éditions al-Madâ. Une quinzaine de recueils édités à Damas et à Beyrouth depuis cinquante ans, des poèmes qui, paraissant aussi dans la presse « notamment à Beyrouth », « sont un témoignage poignant des douleurs, des angoisses et des remises en question suscitées par la guerre ». Certains, choisis, traduits en français et présentés par Claude Krul en quatre recueils (aux titres parlants : Ô temps étroit… ô vaste terre ; Par hasard vivants ; Laissez respirer la terre ; La vie attend tes rêves) ont été publiés depuis 2002 avec soin par Emmanuel Malherbet à l’enseigne d’Alidades. En voici un cinquième, Cinq zéros de sang, dont l’éditeur écrit en postface qu’il est et sera le dernier (et après, qui ?) ainsi transmis par Claude Krul « qui s’entretenait par téléphone presque chaque dimanche » avec des auteurs syriens dont elle était interlocutrice et destinataire de leurs textes avant de les traduire. Ici, trente-six poèmes d’une page (sauf un de deux pages) plus ou moins pleine, datés et écrits entre 2015 et 2016, choisis parmi les deux cent quatre-vingt-dix-huit de L’autre rive, un journal de bord reçu au printemps 2017. Ce n’est pas larmoyant : « Eh vous, mes pareils, / n’usez pas de vos larmes à la légère ! » (p.18), des poèmes de une à quatre strophes en vers libres, bribes du quotidien qui se répète, poursuit son chemin (avec un point d’interrogation), entés de réflexions et sentences : « Alourdissez votre marche / N’allégez pas votre marche… » (p.19), avec du recul : « Pourtant – c’est étrange ! –  / je reste capable de sourire, de dire « bonjour », / d’avoir de la pitié pour ceux qui la méritent. » (p.22), de l’espérance : « Une larme, c’est une porte et une clé » (p.30). Cinq zéros de sang sont ceux de 400 000, un nombre de morts : « (…) 400 mille souffles éteints ; / 400 mille sans vie… / pour tout dire : 400 mille non-êtres. » (p.32) en attendant le dernier mot : « Chaque matin –et comme si c’était la première fois- / je saisis ma plume obéissante / prêt à écrire le dernier mot. » (p.41). Alors saisissons, tant qu’il / s’il en est encore temps, et qu’une traduction, si précieuse au cas particulier, mais dernière (qui, après ?) nous le permet !

 

 

 

 

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