Gertrude Stein, une expérience américaine de Chloé Thomas par Jean-Marc Baillieu

Les Parutions

13 nov.
2019

Gertrude Stein, une expérience américaine de Chloé Thomas par Jean-Marc Baillieu

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Une (première de) couverture peut (volontairement ?) entretenir une ambiguité. Sur celle-ci de couleur vert-anis, on lit en caractères (majuscules de couleur blanche en partie sur bandeau aubergine) hauts de trois centimètres : « Gertrude » et, au-dessous, « Stein », nom et prénom mordant la photographie (un tondo au diamètre de quinze centimètres) d’icelle à soixante ans (1934) par  Carl Van Vechten. En bas du tondo, de la photo en rond (si vous préférez), au niveau du sein droit pour être précis : « Une expérience », et au-dessous « américaine » en caractères hauts de deux centimètres, puis, à trois centimètres du bas du livre, en majuscules noires de trois millimètres de haut : « Chloé Thomas », mention justifiée à gauche comme ce qui précède. Enfin, en bas à droite : « LE BORD / DE L’EAU /documents » qui est l’éditeur. Alors, est-ce un livre de G. Stein (notoriété assurée) intitulé « Une expérience américaine » présenté et/ou traduit par Chloé Thomas (bien moins connue) ? On peut le penser, sauf à rejoindre la quatrième de couverture résumant en dix lignes la vie et l’œuvre de G.S. qui appartient « à une tradition intellectuelle positiviste, mais aussi, plus spécifiquement, ancrée dans l’imaginaire collectif politique et artistique américain » avant d’indiquer que le livre que nous avons en mains « propose d’analyser les déplacements du travail de Stein, en se concentrant sur ses mises à l’épreuve successives de la grammaire, des genres et de la fiction », et ce sous la plume de Chloé Thomas, « agrégée et docteure en anglais » qui est l’auteure de cette « expérience critique, proposant un certain nombre d’hypothèses de travail et les mettant sans cesse à l’épreuve de textes en partie immaîtrisables ». Et en rétablissant la virgule absente de la couverture, la page dite de faux-titre donne le titre exact : « Gertrude Stein, une expérience américaine » abolissant ainsi l’ambiguité de la (première de) couverture. 

Transformation d’une thèse de doctorat, ce livre en garde le sérieux universitaire : identification précise du corpus, bibliographie de 18 pages, rigueur éclairée d’une analyse ordonnée : « 1.Romans expérimentaux ; 2. Poésie expérimentale ? 3. Expériences de pensée ». Ainsi passe-t-on de « La Fabrication des Américains (la table oublie l’italique) : aboutissement et mise à mort du roman expérimental » à une « Fiction de l’Amérique… » résultant d’« Expériences de pensées » dont l’ambigu procédé en « if ». L’auteure relève « le goût parfois sibyllin de l’écriture de Stein » qu’elle a « voulu élucider, sinon tout à fait comprendre » et, si elle nous rapporte le « goût tardif pour les écrits ésotériques » de « Stein et Toklas (qui) lisaient des prophéties attribuées à Sainte-Odile (et) les prédictions du Curé d’Ars, dit aussi Saint-Jean Vianney », elle n’évoque pas la traduction par G.S. de discours du Maréchal Pétain, peut-être une commande de son ami Bernard Faÿ à la tête de notre Bibliothèque Nationale de 1940 à 1944  (cf. Le cas Bernard Faÿ, par Antoine Compagnon, Gallimard, 2009) qui la protégeait, sinon comment une états-unienne juive et lesbienne aurait-elle pu continuer à vivre en France jusqu’en 1944, même à Bilignin dans l’Ain ? Question annexe non retenue par cet ouvrage dans lequel, entre « pertinence » et « impertinence » de G. S., Chloé Thomas mène une lecture suivie (extraits commentés) qui éclaire l’œuvre si ce n’est d’une façon définitive, du moins en posant quelques jalons argumentés, voire convaincants.

 

 

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