Le marathon de Jean-Claude et autres épreuves de fond, de Cyrille Martinez par Nathalie Quintane

Les Parutions

11 avril
2022

Le marathon de Jean-Claude et autres épreuves de fond, de Cyrille Martinez par Nathalie Quintane

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Le marathon de Jean-Claude et autres épreuves de fond, de Cyrille Martinez

À quoi sert la pratique de la course à pied, en amateur et en province ? A exercer plus intensément nos facultés en espérant, ou pas, glaner quelques médailles, réelles ou symboliques. Pas très loin de la poésie, en somme, ou d'une certaine littérature, quand elle s'attache à mettre à jour présent et littérature mêmes. La métaphore court, dans le livre de Cyrille Martinez, mais elle est heureusement à peine remarquable : ces quinze récits sont tout entiers attachés aux personnes livrées à la course, à sa découverte, à son épreuve, personnes dont on ne connaît que le prénom parce qu'elles entrent d'emblée dans la famille, la famille des personnes dont on a (avidement) écouté l'histoire, une histoire pleine d'imprévus et de banalités, de souffrance et de joies minuscules : Yacine, qui passe à côté de sa carrière de coureur, Martine et son passage inédit et progressif à l'ultra, Jean-Claude (ah ! Jean-Claude, pourquoi as-tu fait ça ?…) ou François qui, en y allant à reculons, amuse moins qu'il n'invente. 

C'est très difficile de trouver la distance juste et la bonne position pour parler des vies dites ordinaires (ça n'existe pas). Le fait, sans doute, que Cyrille Martinez soit lui-même un runner, un coureur de fond, et qu'il ait comme les autres (du livre) parcouru le Vaucluse, ce Sud particulièrement massacré, y aide. Il suffit de quelques phrases vers Orange, d'une poignée de mots à propos d'un propriétaire radin chez lequel lui-même a travaillé et qui hésite à donner de l'eau (du robinet) à ses ouvriers agricoles, de la traversée d'une zone commerciale avignonnaise avec Jean-Claude, et c'est tout le pays qu'on finit par sentir, ses mauvais relents comme ses beautés bizarres — quelque chose qui refait à neuf un très vieux sentiment, une très vieille sensation d'enfance : celle qu'on a eue en lisant un conte d'Alphonse Daudet, ici totalement débarrassé de ses apprêts sympathiques. En courant l'anecdote*, Martinez la déniaise et la transforme pour nous en expérience. 

 

 

* ce qu'il avait déjà fait dans un livre très drôle paru en 2016 : Le poète insupportable et autres anecdotes (éd. Questions Théoriques).

 

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