MILLE SECRETS MILLE DANGERS d'Alain Farah

Les Parutions

15 août
2022

MILLE SECRETS MILLE DANGERS d'Alain Farah

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MILLE SECRETS MILLE DANGERS d'Alain Farah

Nathalie Quintane a déjà rendu compte dans ces pages, il y a déjà quatorze ans, d’un livre précédent d’Alain Farah, Matamore n° 29 chez le même éditeur et elle est citée dans ce livre récent, une fois à la fin de la trilogie des poètes préférés du héros-narrateur (qui porte le même nom que l’auteur), juste après Ducasse et Ponge, ordre chronologique donc et on la retrouve plus loin, dans les derniers achats en librairie du même personnage en compagnie de Carrère et Cadiot, trois auteurs P.O.L

Qu’un livre publié par le courageux éditeur québécois LE QUARTANIER, fasse la une du supplément livre du Monde (avec titre en mode Libé), surprend tellement les autres mondes qu’aucun extrait (à ce jour du 15 août 2022) n’en est donné sur le site de l’éditeur, c’est sans doute encore loin l’Amérique même à l’époque du web.

MSMD est son 3 ème roman, Farah aime le chiffrage et les rythmes ternaires.
Il a commencé à l’écrire le 7 janvier 2015, la nuit glaciale des funérailles de Myriam ou Mym (l’ouvrage est dédicacée à Myriam E.), décédée d’un cancer du sein et amie d’enfance de sa femme, devenue une amie très proche de lui également. Elle rayonnait le 7 juillet 2007, jour des noces d’Alain Farah que celui-ci va raconter avec un art aussi ancestral que post-moderne, faisant affluer ses souvenirs et ses premiers déchirements psycho-somatiques dont le moindre n’est pas celui de ses propres parents.

J’aurais souhaité un livre de joie, mais ce livre sera ma peine. Ma peine d’avoir perdu une amie, ma peine à écrire cette perte, ma peine d’avoir tant essayé, puis d’avoir abandonné.

La joie se diffuse pourtant partout dans ce livre, que ce soit en mode burlesque grâce au duo que le héros-narrateur forme avec son cousin Edouard, un Sancho Pança encore plus cinglé que son maître ou en mode plus serein avec tout un jeu de réminiscences artistiques et littéraires, de Dante à Proust et Joyce (le héros finira sur les WC comme Leopold Bloom a commencé), en passant par la culture plus populaire, les jeux vidéo et le barde québécois Robert Charlebois. Farah va jusqu’à se permettre de lire et pour lui et pour nous, et donc de réécrire, et superbement, l’épisode de l’Évangile de Jean connu sous le nom des Noces de Cana (Jn 2, 1-11) … il faut ajouter que chrétien de religion maronite par sa mère, le narrateur a une approche très pragmatique et moderne de sa religion, vue d’abord comme « exercice d’humilité ».
Mais Jésus, qu’il appelle « l’homme des signes » et sa foi n’ont pu sauver Myriam.
La littérature et ses icônes, le travail acharné de l’écriture ne nous épargnent pas non plus les terrifiantes douleurs de nos deuils.
Le héros-narrateur rend toutefois grâce à son psychanalyste.

Le secret du titre du livre ne sera révélé qu’à la fin, il en recèle d’autres car tel qu’il est figuré à la cinquième page, épitaphe en forme de losange vierge dans sa partie inférieure, il détache les deux M qui encadrent le prénom et le diminutif de la défunte tant aimée.
Alain Farah a écrit un magnifique tombeau. Ouvert.

Le commentaire de sitaudis.fr

LE QUARTANIER, « Série QR », 2021
512 p.
23 €

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