MOTEURS, Hervé Brunaux par Christophe Stolowicki

Les Parutions

22 nov.
2021

MOTEURS, Hervé Brunaux par Christophe Stolowicki

  • Partager sur Facebook
MOTEURS, Hervé Brunaux

Rarissime, lumineuse poésie du vécu, à présent tenu pour négligeable et que le vivant concasse, écouteurs rivés aux oreilles, écrasé contre la vitre tel le moucheron enivré à la pissotière de l’auberge.

Vécu, si fort vécu qu’une boule de nostalgie dans la gorge comme un soleil ; un soleil rouge dévorant, déglaçant (délaçant délassant) l’arrière-palais, et que seule peut dire une poésie verticale accrue de son beat redoublé, tout en rejets. Le vécu, de toute son intensité – contemporaine. Repris Le Voyage de Baudelaire, lâché le Spleen de ville capitale pour Hit the road, Jack – ça y est, comme un pianiste aveugle il l’a tracée. Moteurs, non pas de ceux qui disent Silence, on tourne, mais ceux qui ont craché leur âme. Le blues mais à deux temps, bien saccadés, celui (sic) qui de remuement (remue, ment) jamais n’abolira le hasard.

Bien sûr il ment, Hervé Brunaux, sur  « . notre passé de . / . bitume et . / . de lune . / . plus aucune . / . chance . / . de déjouer. / . notre histoire. » Il ment, conjuratoire : « . nous avons refermé. / . le roman . / . des villes . / . nous avons . / . gravé les . / . épitaphes . / . nous avons . / / . dispersé . / . Les bouquets . / . fanés . »

La nostalgie dans son format – fort, mat, celui de l’argentique – de poésie verticale peu allégée de ses respiratoires plages en capitales (« . JE PRENDRAI LE PREMIER BUS VERS L’OUEST . ALIMENTER LES SOURCES CROUPIES . TU AS TENDU LE DOIGT VERS UN ÉCRAN DE PUB . TA MAIN EST DEVENUE LA SEULE IMAGE NON MONNAYABLE . »),  grâce à quelques relâches en outre de son beat de points finaux, initiaux – prend mieux au plexus, de tripaille noué.  Bien sûr, la nostalgie est sexuelle, celle des grands convulsionnaires de Rodanski, celle des Sex Pistols en exergue (I use the best, I use the rest). La nostalgie bruine, étreint. Plus encore que le temps de Jack Kerouac et de Ray Charles, l’époque de référence est de son rythme têtu le punk rock des années soixante-dix.

Des masses de films et de chansons adressent au poème leurs clins d’yeux. Dieu que l’âme hère était jolie. Si légère qu’on oublie qu’une oublie. Se déguste de préférence avec du « Jurançon sec ».

Une poésie du posthume entre en terre, y tourne et retourne son soc et son char rue, de toutes ses mottes, en bottes de tous ses lieux. La vie prise déprise aux cheveux. Des larmes de bonheur dressent leur batterie, déploient leur section rythmique.

Depuis que « . nous avons . / . donné . / . notre langue . / . au lynx . », ce chat sauvage nous la restitue délestée d’énigmes chères, lestée d’une cadence. 

Poèmes, de leur disjoint tempo redoublé battant le plein du plein, à son prétendu décrochage. De sa gaîté le rythme démentant le propos. La vie derrière soi tenue à bout de bras, un vivifiant vivier. Anguille sur anguille en réchappe.

« NE SE FIER QU’AUX BRASIERS DE NERFS »

Retours sur images, serrés, vibrants. Arrêt sur arrêt. À faux testent âme en terre. Quand « . l’air sent . / . la menthe et . / . la charogne . / / […] . l’horizon . / . a pris . / . la fuite . / . à la première . / . bretelle . / . de l’échangeur. »    

Hervé Brunaux (né en 1964) est poète et romancier, romancier (De l’or et des sardines, 2013) et poète, volontiers de poésie sonore. Bassiste, parolier, chanteur dans des groupes de punk-rock. Julie, Fatou, J.P., Nora, Akim, ses personnages aux prénoms fleurant la diversité, ses personnages résorbés culminant en leurs seuls prénoms, passées sous silence les péripéties d’un roman dont seules des bribes émergent, par leur retour cadencé en couples non intangibles distillent toute l’essence du romanesque.

 

 

Retour à la liste des Parutions de sitaudis