Snorri Sturluson, Histoire des rois de Norvège, tome II par Christian Désagulier

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22 août
2022

Snorri Sturluson, Histoire des rois de Norvège, tome II par Christian Désagulier

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Snorri Sturluson, Histoire des rois de Norvège, tome II

 

Út vil ek *

 

 

 

Polyglotte des langues germaniques septentrionales, celles qui s’écrivirent entre le Golfe de Botnie et sur l’île où les icebergs fondent à l’approche de ses côtes dont les phares sont en éruption volcanique, après Régis Boyer voici que François-Xavier Dillmann, l’un de ses fils spirituels comme Grimr fut celui d'Egill, dans la moins méconnue des sagas, complète une œuvre qui se voulait exhaustive (on lui doit métonymiquement la Pléïade des Sagas islandaises). Il demeurait à traduire l’Edda dite en prose et les Sagas des Rois de Norvège : voilà qui s’achèvera avec la parution d’un troisième et dernier tome après celui que voici qui complète le premier Des origines mythiques de la dynastie à la bataille de Svold, la traduction en français (il y a longtemps que tout ce pan germanique de notre culture est passé en langues anglaise et allemande) de cette œuvre monumentale et méconnue rédigée par un géant des lettres nordiques, politique, historien et poète, Snorri Sturluson dont il conviendra de se souvenir désormais du nom comme de ceux d’Homère et de Tacite réunis.

 

Tout le monde ou presque connaît désormais le Roi Harald Ier (vers 850-933) qui conquit et christianisa le Danemark et la Norvège comme l’atteste l’inscription gravée en lettres runiques rouge sang à l’aide du marteau de Thor dans la Pierre de Jelling dont on peut admirer une réplique auprès de l’abbatiale Saint Ouen de Rouen.

 

Haraldr Gormsson dit Harald la dent bleue, tel est ce qui arrive lorsque trop gourmand de myrtilles, la bouche et les dents prennent à force la couleur du jus des baies de l’arbuste boréal et qu’un ingénieur norvégien quelque mille ans plus tard cherchant un nom pour son invention qui visait à connecter sans fil téléphones et ordinateurs la baptisa Bluetooth en souvenir d’Harald.

 

Un système d’échanges radio numériques devenu la norme dont le logotype est la contraction des lettres runiques correspondant aux H et B de notre gréco-romain, aux angles imposés par le burin et la dureté du substrat, un alphabet importé de Phénicie dans lequel sont gravées les stèles scandinaves, dont les épigraphes granitiques constituent une sorte de bibliothèque à l’air libre, dressées depuis les premiers siècles positifs, que Les météores de Descartes expliqués à Christine, le « roi de Suède », ne sont pas parvenus à effacer mais entraîner la mort du philosophe victime de l’hiver et la nuit de Stockholm en 1650.

 

Nous aurions peu de textes à nous bleuir les dents si Snorri Sturluson, l’historien islandais (1179-1241) n’avait entrepris la rédaction de la Heimskringla, le cycle des rois de Norvège comptant 16 sagas dont l’honneur, la vengeance et le destin sont les vecteurs narratifs, dont le tome second traduit du norrois par F.X. Dillmann vient de paraître.

 

Snorri Sturluson, l’historien remarquable en ce qu’il traite des motivations immédiates et tire toutes les conséquences possibles des actes à long terme, où le religieux se confronte au séculier, se double d’un homme de lettre et auteur de la très fameuse saga d’Egill, et puis se triple d’un poète épique, celui de l’Edda en prose et selon certains de la Thrymskvida, l’Edda poétique laquelle narre les circonstances du hold-up du marteau de Thor et de sa restitution.

 

La vénérable Edda en prose (vers 1220), théogonie fondatrice de la culture nordique assortie d’un art poétique pour l’emploi des kenningars, (sing. kenning), ces tropes métaphoriques singulières qui faisaient le bonheur de J.L. Borges, de ces tropes métaphoriques singuliers employés par les scaldes (on dirait « aèdes » en grec), constitués d’un nom suivi de génitifs en cascades faisant poèmes, une systématique germanique médiévale que Michèle Métail a mise au goût du jour, même si plus informée d’idéogrammes que de runes, de la forêt de stèles chinoises à X’ian lointaines parentes des monolithes vikings, Victor Segalen, celte poète, non plus et ce n’est pas M. Ma notre guide qui me contredira.

 

Ainsi cette nouvelle traduction d’un classique islandais rend-elle opiniâtrement justice littéraire à Snorri Sturluson, dont le plaisir de lecture, cet accord de plaisir et de vérité que traduit le mot skemtan appliqué aux sagas islandaises, est porté par les innombrables noms imagés et chantants des protagonistes dont le coloriage onomastique ne le cède pas aux aventures géopolitiques sur terre et mer dont les récits mythologiques semblent les scénarios, lesquelles conduiront à la formation de la Scandinavie quadripartite contemporaine, aux multiples alliances et retournements claniques qui, bien que répétitifs, vous tiennent en haleine.

 

Aussi Snorri Sturluson est-il l’auteur d’une Iliade en Hyperborée, que la saga des Rois de Norvège narre ainsi que d’une odysséenne Edda où les aurores ont des « doigts de rose » aux circéennes caresses desquels je me prêtais un matin que je séjournais dans les îles Lofoten, là où des Alpes géantes en capes noires à capuches blanches de magiciennes, enfoncées à mi-jambe dans la mer polaire, semblent marcher à votre rencontre, si loin et si proche cependant du Détroit de Messine et du Palais des Normands à Palerme, conquérants de Sicile partis de Coutances autour de l’an 1000.

 

 

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* Je veux aller en Islande.

 

 

 

 

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