Soixante caprices pour esprit désaccordé, de Denis Hamel par Christophe Stolowicki

Les Parutions

26 févr.
2024

Soixante caprices pour esprit désaccordé, de Denis Hamel par Christophe Stolowicki

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Soixante caprices pour esprit désaccordé, de Denis Hamel

 

 

 

Une vie à l’emporte-pièce de déréliction, au lourd enjeu des jours sans feu ni grâce. Où le rechigné d’une vie trop intérieure côtoie le vif argent des mots détachés de la roche dans leur scintillement. À décrochage sur accroc.

 

Quand « j’attends debout sur le quai des jours mots se précipitent sous les rails rouillés d’étranges vies parallèles », songe-t-il à se jeter sous le train ?

 

Mais pourquoi est-ce que je ne trouve pas dans les livres de tel héros couvert de jolies femmes (Romain Gary) une once de la beauté de ce qu’écrivait Denis Hamel (né en 1973) dans sa longue adolescence prolongée jusqu’à l’impensable, de frustration qui pis est sous psychotropes : « corruption lente des vieilles feuilles à l’automne naissant et l’éclair dans les yeux d’un renard répondent à l’âme du marcheur qui se déplace dans mes pensées malgré la furie du monde l’homme social que je suis phagocyté par les obligations matérielles n’est qu’une ombre insignifiante seuls sont réels la corruption lente des vieilles feuilles et l’éclair dans les yeux d’un renard lorsque j’aurai atteint l’étang au centre de la forêt je verrai mon reflet s’effacer » ?  

 

Ou la longue portée réflexive : « traces plus nettes que d’un écureuil une main ne peut pas se saisir d’elle-même ni un œil se scruter lui-même on ne saisit pas le sens par le sens ».

 

Ici soixante poèmes de forte facture, à deux par page, certains déjà publiés à l’époque dans la revue Les citadelles, d’un seul vers long comme un jour sans faim, ni pin maritime d’aucun usage, en autant de lignes que nécessaire au souffle court long  d’intempérie. Sans une majuscule ni autre ponctuation, par exception, qu’un point d’interrogation ou celui suivi d’une minuscule en vogue comme scansion au tout début du millénaire, mais par Denis Hamel utilisé à seule fin de clarté quand la juxtaposition des phrases peut prêter à confusion. En quelques ions d’une vie longtemps gâchée.

 

De nageur mort dont les « mouvements épousaient la tendre ductilité de l’eau » plutôt que d’ahan une voie lactée ou d’autres nébuleuses. Si l’ahan lui fait furieusement défaut, son intériorité extrême nous imprègne. Cela jusqu’à « l’âpreté du bêlement ».

 

Quand « les couleurs grincent leur jus acerbe ».

 

Il y avait du Rimbaud en lui – Rimbaud à l'ère hélas des psychotropes.     

 

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