La coupée de Julien Bosc par Tristan Hordé

Les Parutions

13 mars
2017

La coupée de Julien Bosc par Tristan Hordé

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Les poèmes de La coupée composent, d’abord, un récit, celui d’un voyage aller-retour du Havre à Hambourg, avec des escales, sur le porte-conteneurs "La Musca", du 31 avril au 11 mai 2015. Du navire et de sa navigation, on connaîtra quelques éléments par l’évocation des ports d’escale, par le vocabulaire — comme coupée, darse, pilotine, ailerons du château — et, surtout, on a « un aperçu du quotidien et du travail des hommes à bord » ; on comprend que les marins passent peu de temps à terre pendant les escales : pour y faire quoi, sinon chercher un peu l’oubli « dans les bras d’une pute » ?

Il y a peu à dire de la vie d’un marin, ses tâches étant simples et répétées, puisqu’il s’agit toujours de charger ou décharger des conteneurs, de nettoyer le navire. L’un d’eux, un Philippin qui reste toujours à bord, raconte « ses peines, ses rêves », son attente de la retraite pour enfin vivre ce qui lui conviendra et réapprendre ce que sont de « vraies nuits ». Pour tous, la nécessité de garder le cap, l’obligation d’accepter la lenteur n’ont rien a priori d’exaltant, loin du lyrisme de la terre auquel il est fait allusion avec les noms du lilas et de la rose. Cependant, ces règles de vie imposées en mer « pourraient être du poète » — une leçon du voyage.

Mais rien autre que la mer pendant ce bref parcours ? Sans doute, mais pourtant ce jour de brume elle est devenue un lieu favorable au travail de l’imagination et, inattendus, pourraient surgir « (un bateau des oiseaux une femme envoûtante et nue un incendie des songes) ». Les jours de temps clair, le vol de fous de Bassan près du navire, la variété des mouvements de la mer, les transformations du ciel, les couleurs du soleil sous l’horizon, ramènent parfois à ce « temps d’enfance précédant les légendes ».

Il y a dans La coupée un parti-pris d’être au plus près de ce qui est devant soi, des choses et des activités humaines (d’où un long poème à propos des ports d’Amsterdam ou de Hambourg, de leur gigantisme, de leur agitation), d’être à l’écoute de ceux qui n’ont jamais la parole. Il ne s’agit pas tant de rejoindre les tenants d’une "poésie pauvre" que de la volonté de « tenter d’écrire ce qui est », tentative qui n’est pas des plus répandues et qui, avec La coupée, est une réussite.

 

 

 

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