Là, poèmes de Robert Creeley (1968-1975) par Éric Houser

Les Parutions

12 oct.
2010

Là, poèmes de Robert Creeley (1968-1975) par Éric Houser

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Il y a déjà eu des textes de Robert Creeley traduits en français, notamment La Fin en 1997 par Jean Daive (Gallimard), Le sortilège en 2006 par Stéphane Bouquet (Nous). Avec , Martin Richet propose une anthologie de textes publiés entre 1968 et 1975, et chose remarquable, pour une fois le traducteur n'est pas effacé (ou quasi). Il figure en très grosses lettres, en lettres de titre égales à celles du traduit, en quatrième de couverture. Ce qui donne à entendre que le volume doit autant à Martin Richet qu'à Robert Creeley, oui, autant. « La traduction me semble le plus près qu'une personne lisant puisse s'approcher d'où l'on s'est soi-même trouvé, tout le reste oublié, les mots seuls à même de mener », écrit Creeley dans un texte d'hommage à son traducteur, daté de 2004. Il m'est difficile de dire quelque chose d'assuré, de ramassé, sur cette poésie, que Richet désigne comme « lieu et moyen d'expérience » dans un billet introductif bien frappé. Peut-être parce que cette poésie se suffit à elle-même, que l'on peut seulement la lire, et en la lisant refaire l'expérience qu'elle a été d'abord. Peut-être aussi parce que, là où le poème semble opérer par soustraction, il serait vain d'ajouter d'autres mots. J'ai souvent eu l'impression, en lisant ces textes, d'assister à une performance, concise dans le temps et l'espace, et l'image qui s'est superposée à la lecture, dans ma tête, est celle d'un homme en train de planter des clous dans une planche. Il accomplit une activité, une activité simple mais très précise qu'il suffit de regarder, pour qu'une partie de l'énergie qu'elle dégage soit transmise. À propos de ce livre j'avais commencé à écrire des choses convenues, « une écriture qui ne se laisse pas saisir en dehors de sa propre effectuation », « une biographie qui s'éprouve de manière évanescente dans le du poème ». Ces formules sont inadaptées et, quelque part, éthiquement impropres. « Personne ne vit la vie d'un autre - personne ne sait ». On dirait que face à une telle œuvre, en effet, aucune position de savoir n'est tenable. Ce qui est certain, c'est qu'avec ce livre les lecteurs français disposent d'un ensemble conséquent, dans une édition aérée et élégante. Pour donner quand même une petite idée de l'écriture de Creeley, je cite un poème in extenso, parce que c'est un de ceux que je préfère (extrait de Pieces, Charles Scribner's Sons, New York 1969) :



Comme le fait de
voir quelqu'un que tu aimes s'éloigner
de toi avec le temps va
disparaître avec le temps, aussi.

.

Ici est tout ce qu'il y a
mais insiste
de l'autre côté.

.

Guéris ça, sois
patient avec
ça - pas un bruit.

.

De l'autre côté de
la table,
des années.

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