Les Carnets d'Eucharis, carnet deux par Myrto Gondicas

Les Parutions

14 mai
2014

Les Carnets d'Eucharis, carnet deux par Myrto Gondicas

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Dans la jungle des sites consacrés à l’art ou à la poésie, Eucharis, « plante bulbeuse issue des forêts tropicales humides et sombres », fleurit avec grâce et ténacité depuis plus de six ans ; on peut désormais la goûter aussi sous forme imprimée, dans des « carnets » sobres et denses : le numéro deux a paru ce printemps. Écran, papier — contenus différents pour une même ligne ; essayons d’en donner une idée.

 Le plan apparaît mûrement pensé. Édito vif et clair, puis sept parties qui, souvent, se répondent : « Entretien » avec un poète ; « Portfolio », sous-titré « cahier visuel & textuel », avec l’œuvre d’un photographe éclairée par une présentation critique ; « Au pas du lavoir », qui regroupe neuf contributions de poètes français contemporains ; « Le chantier du photographe », un essai où la photographie, bien que n’apparaissant pas d’emblée, joue un rôle central ; « En haut du pré », sous-titré « petite anthologie de textes contemporains & de paroles d’artistes » ; « Traduction », qui propose, en version bilingue, un choix d’écrits de sept poètes étrangers ; enfin, « Portraits-lectures critiques », avec une présentation biographique de Mina Loy (dont on aura lu des poèmes à la rubrique précédente) et un « portrait critique » du peintre René Knaepen, suivis d’un riche ensemble de présentations d’ouvrages récemment parus. Ainsi l’ensemble du cahier s’ouvre et se referme sur un regard critique, dialogue à haute voix ou comptes rendus de lecture ; quant aux parties deux et quatre, aux noms exprès bucoliques, l’écho de leurs titres signale ce qu’on y trouve, peut-être le cœur du propos : « comme une fraîcheur d’eau au creux de la main », pour reprendre les mots que Jaccottet applique à ce « très vieux poème », l’Odyssée.

 On s’en veut de courir la poste et d’effleurer à peine les contenus. J’ai été particulièrement frappée par les douze vues de ciels, mystérieusement évidentes, d’Éric Bourret, photographe marcheur et philosophe en images. La grande diversité des écritures représentées dans « Au pas du lavoir » (vers mesurés ou non, une fois rimés, dispositifs formels exhibés — listes, cinéma…) me semble ne jamais verser dans un éclectisme facile. Au passage, il m’a plu de noter que la parité, parfaite dans la partie « lectures critiques », était allègrement violée, mais au rebours du sens habituel, dans les rubriques trois et six, dévolues aux poètes. Et la richesse de la rubrique « Traduction » doit bien sûr beaucoup au fait que là, « les poètes traduisent les poètes » (ainsi la façon dont Brigitte Gyr donne à sentir les jeux d’Eva Maria Berg avec la syntaxe et le mètre, malgré l’écart redoutable entre la structure de l’allemand et celle du français, force l’admiration). Enfin, le tissage tout au long du Cahier entre images et textes, tant au plan de la création que du discours critique, est une des forces de cette jeune publication, tout comme l’est, à mes yeux, une mise en rapport constante et juste de ces images et de ces textes avec l’expérience du corps vivant. C’est à bon droit que Nathalie Riera parle, dans son éditorial, de « [multiplier] les franchissements et les traversées ». Vivement le trois !

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