À quoi bon des poètes de banlieue par Gabriel Meshkinfam
parce qu’au fond on s’y habitue
à l’obéissance
elle s’installe sournoisement
comme le vent qui s’avance
dans la matière humide de la nuit
on croit sans doute pouvoir faire sans
sans cette peau aux teintes olivâtres
sans ce nom de famille qu’on massacrait
à chaque rentrée scolaire
et dont certains éditeurs pensent encore
qu’il s’agit d’un pseudonyme
— comment peut-on parler
la langue de l’ennemi
la maîtriser tellement qu’elle siffle —
*
mais tu ne peux pas non plus faire
avec
puisque tu n’as jamais rien vécu rien appris
seulement quelques histoires lointaines
seulement quelques phonèmes
tirés du fond de la gorge de ton père
comme des arêtes coincées par une mémoire
en morceaux
*
tu sais qu’il est trop tard pour toi
tu n’organiseras pas les fouilles
l’esprit pavillonnaire t’a parasité
tu ne peux plus procéder
qu’horizontalement
à la recherche de quelques ronces précoces
de quelques brèches
pour que se laisse emporter ta parole
inflammable