Pour un instant palpable par Romain Candusso
le temps passé repasse ça ne fait pas un pli les mots prononcés reviennent
les mots inscrits sur les murs en colère et en
lamentations s’épanchent
parlent du temps qu’il fait pour se contacter se toucher se
relier car lointain le temps les méprise et le ciel n’est qu’un lieu
où se perdre un labyrinthe sans obstacle un bleu de la parole un
non-lieu
le temps les ramènent à eux les reconduit à leur son au son de
leur silence de mot reconduits à nos corps les ouvrent l’un à
l’autre comme une fleur sans prévenir se font beau se charment
s’essaient
mots d’apprentis sorciers formules improvisées
l’improvisation de nous au contact de l’autre comme on se réunit
de tout ce qui se ramasse dans le monde de toutes les caillasses
qui nous traînent dans la tête
feu d’artifice parler se parler se faire parler se mettre en
bouche en oreille s’emboucher s’oreiller sommeiller et dormir
l’un dans l’autre
parler du temps qui nous fait nous a fait nous a distingué l’un
dans l’autre et puis tout à refaire la vie par le milieu toujours les
mots parlent
les mots parlent du temps qu’il fait pour faire passer le temps
qui repasse et ressassent le temps vexé d’être passé en prétexte
en cadre en dorure mais
c’est du temps qu’on parle depuis le temps qu’on parle le
temps qu’on inscrit et qu’on met en contact dans les hauts et les
bas du jour de la nuit c’est
le temps qui nous traverse qu’on traversepar les mots
perméables trempés jusqu’au cou dans l’autre depuis le temps
qu’on s’inscrit les uns dans les autres par les mots par leurs sons
nos voix et nos corps
depuis le temps les mots nous inscrivent dans notre corps
nous renvoient à notre corps en pointant l’invisible en pointant
l’invisible de nos corps et nos corps le visible des mots nos corps
lisibles et nos mots invisibles des corps conducteurs de nos corps
nous prenons les plis
comme chauffé le temps projeté est débordé pour nous en
sortir essayer de nous en sortir donc d’y entrer tout entier comme
une force des choses d’entrer tout entier dans la force des choses
nous prenons leurs plis
après s’être laissé rouler laissé dérouler se les enroulent autour
du cou contre le mal qui les prend qui nous prend à la gorge
parfois jusqu’à les prendre en grippe et face au temps
laisse au silence sa place où s’indurant le temps se fait et enfin
passe va enfin il va un instant
au grand air devant le temps qu’il fait le temps passe enfin va
nous espace par dedans nous aère enfin
on se pose pour de vrai on s’installe dans l’espace bordés nos
yeux déportés du temps qui se recueille
pour un instant palpable