Mort de Ben (1935-2024) par Maurice Fréchuret

Les Célébrations

Mort de Ben (1935-2024) par Maurice Fréchuret

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Cette mort que, par les mots qu’il peint, Ben évoque si souvent dans son œuvre est, en quelque sorte, le versant complémentaire de la vie, chantée si continûment comme on l’a vu. Ainsi, pendant de La Vie (1960), La Mort est aussi une œuvre peinte à l’acrylique sur bois, antérieure d’une année seulement de la première. La graphie en est tout aussi instable en dépit de la grosseur des lettres qui occupent la majeure partie de l’espace. La lecture de ces deux mots qu’aucune majuscule ne vient ennoblir, qu’aucun artifice plastique ne vient embellir est directe et frontale et amène un face-à-face forcément éprouvant. Déclinés sur fond noir, les mots nous confrontent  à ce qu’ils nomment, dans un vis-à-vis immédiat et sans fioriture. Ils ne symbolisent plus la mort comme les crânes dans les vanitas du XVIIe siècle, ils la désignent, l’invoquent, la signalent à l’attention du regardeur/lecteur, contraint, sans autre alternative, de la toiser et de la « dévisager ». Au fil du temps et de maniére récurrente, le mot « mort » apparaît dans les œuvres de Ben. Parfois seul, impérieux, souverain, il se donne à lire avec la superbe du conquérant qui se sait tel. Parfois accompagné d'autres mots – celui de l’artiste (Ben, la mort de 1966) ou dans une allégation tout d’ambivalence (La Vie pense la mort de 1999) ou encore dans cette affirmation rassurante : La Mort est simple de la même année que démentent une toile de 1976 : Ma peur de la mort et une autre de 1987, La Mort approche dont les mots ont été écrits, non sur le fond noir habituel mais sur un miroir encadré, comme si l’image de la vie trouvait là son reflet attendu. 

Le commentaire de sitaudis.fr

Extrait de "L'art et la vie" de Maurice Fréchuret (Presses du Réel, 2019)