Les adieux à Hubert Lucot par Marie-Hélène Dhénin
Ici, 01-77-16-58-21. « Vous pouvez me laisser un messâge, après le signal sonore. »
Je n’ai pas la voix d’Hubert, bien sûr, même si c’est la sienne qui a prononcé ce petit texte d’accueil sur son répondeur.
Personne, jamais, n’aura plus la voix d’Hubert ; cette voix qui s’attardait sur le â de message. Cette belle voix s’est éteinte. Il me semble qu’à part le personnel médical de Sainte-Périne, je fus la dernière à entendre cette voix en direct, allant et venant dans sa chambre ou assise à un mètre à peine du lit d’Hubert. Triste et immense privilège à la fois.
Je fus aussi une des dernières, avec Cédric, à partager les repas d’Hubert, dans les restaurants de son quartier proche des Tournelles, au « Hugo au « Barbier de la Bastille », à « l’Aveyronnais » (qu’il appelait « le Bessière »), au « Thaï Beaumarchais », puis dans la cuisine de son appartement et dans sa mezzanine — où il ne mangeait plus.
Hubert, à mon grand désarroi, cessait de s’alimenter, et presque de boire. C’en était fini des « Perrier 4 glaçons », puis 3 glaçons, puis 2 — puis plus de Perrier. C’en était fini de nos balades en autobus, ces bus qu’Hubert a usés à force d’en faire usage, dans sa vie et dans ses textes. Il avait pourtant ses préférences, me déclarant, quelques jours avant sa mort : « Tu devrais plutôt prendre le 20, ce serait plus élégant. » Élégance des bus, élégance d’Hubert. Élégance avec les gens. Elégance de son attitude, devant la petite table sur laquelle il écrivait, devant sa fenêtre de la rue des Tournelles, où souvent je le photographiai, raturant, rédigeant, coupant, collant.
Tu ne nous fabriqueras plus tes merveilleux collages, impossibles à décortiquer, ce dont nous plaisantions souvent, amusés, avec Christian Prigent — qui n’a pu être parmi nous aujourd’hui. Tu ne nous enverras plus tes enveloppes au libellé farfelu et génial, que le facteur pourtant acheminait sans faute. Ne m’arriveront plus tes lettres si malicieusement et affectueusement signées « ton petit Hubert ».
À tout cela comment se résigner ? Se résigner, non pas, mais se dire qu’Anne-Marie et toi, Anne-Marie, A.M. si présente dans nos causeries, si extraordinairement présente plus encore dans tes textes, se dire qu’avec Anne-Marie donc, vous vivez. Certes d’une tout autre manière, à travers Emmanuel, accompagné d’Annabelle, avec Cédric, Stéphanie et leurs compagnons, avec le tout petit Samuel, dont tu attendais si impatiemment la naissance en octobre dernier. Tu vivras, Hubert, par tes vidéos, les collages, les textes, les lettres publiées fidèlement, tu vivras par ton œuvre, immense ! dont mes amis ont parlé, parleront.
Mais ici (au Père-Lachaise) maintenant (ce 26 janvier 2017), je reprends la phrase d’Henri Calet dans Peau d’ours » : « Ne me secouez pas, je suis pleine de larmes ». Adieu Hubert.