Walt Whitman (1819-1892) par Claude Minière

Les Célébrations

Walt Whitman (1819-1892) par Claude Minière

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Le premier des poètes américains. – Il est assez remarquable que, en 1872, paraisse à Paris, dans la Revue des Deux Mondes, une longue étude sur Walt Whitman.  Les pages en sont dues à Thérèse Bentzon, qui écrit en conclusion : « La virilité est une belle chose, mais l’idéal est une plus belle chose encore ; s’il ne peut s’associer à la démocratie, la démocratie restera au point de vue de l’art un arbre stérile, et nous serons forcés, nous autres Français qui tenons compte du goût, de considérer jusqu’à nouvel ordre Longfellow, malgré les liens qui le rattachent à cette maudite littérature féodale, comme le premier des poètes américains, n’en déplaise à M. Walt Whitman. »  Quand elle aura sillonné l’Amérique, notre parisienne révisera son jugement sur Whitman, mais en 1872 la compétition pour la réputation de premier des poètes américains s’instaurait donc entre l’auteur des Leaves of Grass et H. W. Longfellow (1807 – 1882).  Le destin des deux poètes est lié à la démocratie.  La virilité est une belle chose (nous voici rassurés), et nous autres Français tenons compte [sic !] du goût.  Alors, quand même, la question est d’actualité :  quel est le premier des poètes américains ?  Walt Whitman serait-il l’Américain par excellence ?  Sera-t-il le fondateur d’une poésie proprement américaine ?  Ces questions reviennent en écho quand nous écoutons la jeune Amanda Gorman * « chanter » depuis la tribune, lors du serment de fidélité à la Constitution prononcé par le nouveau  Président démocrate.

Que pensait Ezra Pound de Whitman ?  En 1913, il écrira à son père « Whitman is a hard nutt but Leaves of Grass is the book » (Whitman est un vrai dingue mais Feuilles d’herbe est la bible), et en 1909, alors installé à Londres, il éprouve le besoin de poser son rapport à Whitman : « Depuis ce côté de l’Atlantique, me voici capable pour la première fois de lire Whitman […] Je le vois comme le poète de l’Amérique.  Il est l’Amérique.  Sa crudité est d’une énorme puanteur, mais c’est l’Amérique.  Il est le creux  dans le sol en résonance avec son époque […] Il est dégoûtant.  Il est une médecine nauséabonde, mais qui joue bien son rôle ».  Et, plus loin : « Je le lis avec peine, mais quand j’écris de certaines choses je me découvre utilisant ses rythmes »**.

Pound contiendra les chimères, Whitman libérait les chevaux.  Les rythmes de l’auteur de America  auront un long effet.

 

1 un recueil de poésie d’Amanda Gorman, The Hill We Climb, est à paraître aux éditions Fayard.
2 Cf.  Ezra Pound, Early Writings, Penguin Classics, pages 187-189.