Charles Pennequin, Petite bande par Claude Minière

Les Parutions

04 mai
2023

Charles Pennequin, Petite bande par Claude Minière

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Charles Pennequin, Petite bande

 

            « ceux qui peuplent la planète ils la peuplent
            avec leur angoisse même
            ils vivent
            c’est pas donné à tout le monde
            ils sont dominés par leur angoisse
            c’est comme une ombre l’angoisse
            c’est pas donné à tout le monde
            une ombre »            (p. 314)

 

Parfois on croirait lire du Céline.  Comme encore, p. 102 : « La respiration a été inventée avant l’air.  Et l’air est arrivé après.  Il a fallu que l’air arrive.  Pour qu’on trouve un intérêt.  A la respiration.  Avant l’air la respiration… »  Ou encore, p. 106 : « Nous on nous a mis là dans l’espoir peut-être que quelqu’un  fera jaillir quelque chose dans cet endroit.  Quelque chose où nous aurons enfin lâché tous les autres.  Un avant-poste qu’il faudra tenir le plus longtemps possible.  Aller d’un corps à l’autre  et puis enfin endormir le troupeau.  Et finir seul la route avec ce corps. »

Charles Pennequin est un grand styliste.  Dans ses textes, rares sont les virgules, la virgule n’est pas une dent assez dure  pour la roue de l’écriture.  Des points. Jusqu’où roule le dé avant un nouveau coup. Le jeu ?  Déraciner le nihilisme hors de toute idéologie.  L’écrivain ne calcule pas mais fait essai sur essai, il provoque une hypothèse paradoxale puis la tire et pousse jusqu’à son exténuation.  Le styliste, entre Prigent et Novarina a inventé ses propres cadences pour exposer les usages du langagee et le phénomène même des langues.

Et puis voilà le livre, le recueil : là, c’est  William Blake que l’on pourrait évoquer. Une pensée se dessine,  elle est emportée dans une bande d’images. « Comment dessiner de l’écrit.  Comment faire monter dans l’écrit un dessin. Un dessin de l’écrit. » tel est le programme de rêverie et manipulation. Ce qui donne des dessins noirs ou orangés, qui « sentent » encore l’encre, où l’on voit la main et des visages. Sur toutes sortes de supports dirait-on, avec différentes graphies et respirations.  Le livre ainsi déborde d’incises et pièces rapportées tel un herbier gonflé de spécimens..  A côté du grand styliste, il y a un Sauvage qui met dehors la pensée.  La pensée mise dehors, manifestée, ne vous ronge plus à l’intérieur, son démon est exorcisé.

Petite bande recueille les « dessins écriturés », donc, et cinq textes, Les Doigts, Que veut le vent, Profils perdus, Doigts autres, L’écrivain. Le volume, plus qu’un billard plan, est un accordéon à soufflet qui joue la bourrée des morts et des vivants.

 

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