Le corps au III ème siècle par Claude Minière

Les Incitations

14 janv.
2023

Le corps au III ème siècle par Claude Minière

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« Tu dois déchirer de part en part la tunique dont tu es revêtu, le tissu de l’ignorance, le support de la malice… »1 La grande affaire alors, c’est le corps, la chair.  L’enveloppe charnelle, voilà qui est à déchirer pour accéder à la vérité, et à la sagesse.  Le corps est l’ennemi, une « tunique » qui attire vers le bas, ayant ourdi un véritable « complot »2 contre la liberté de l’intellect.  L’héritage philosophique du troisième siècle (néo-platonisme et commentaires bibliques) ne s’est-il pas prolongé jusqu’à nous ?  On se souvient qu’Adam et Eve, après la chute, furent recouverts de « tuniques de peau », éloignant par là même la nudité---qui sera dès lors à reconquérir.  Combien de récits, de romans contemporains, mettent en scène des variations sur le corps « faux » que l’individu, homme ou femme ou « transgenre », doit déchirer, dépasser – s’en sortir – pour se trouver soi-même !  Le récit autobiographique et les technologies de la cosmétique jouent fort souvent sur ce terrain.  Prigent, heureusement, allège ce drame dans le carnavalesque ; Sollers remercie le corps d’être là, plaque sensible qui illumine la pensée.

 

1in Corpus hermétique.  Cité par Arnaud Perrot dans son introduction à la Lettre à Marcella de Porphyre (éd Les Belles Lettres, 2019).
2 idem