Notes sur Pierre OSTER (1933-2020), i. m. par Michel De Léobardy

Les Incitations

29 oct.
2020

Notes sur Pierre OSTER (1933-2020), i. m. par Michel De Léobardy

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J’aimerais pouvoir m'éloigner d’un obituaire où l’on énumère de manière fastidieuse les prestiges d’un poète. C'est par de menus faits que je voudrais pénétrer dans cette grande âme. Le collège Sainte-Croix de Neuilly, les lycées (Buffon et Louis-le-Grand), et Sciences Po, ne sont que des collèges, des lycées et des instituts où beaucoup d'autres ont étudié ; que nous apprendraient-ils ?

Quels sont les amis de Pierre Oster ? Pierre-Jean Jouve (grâce à qui il publie Premier poème), Marcel Arland (M. A. était alors directeur de la NRF ; il ne lui fournira pas moins de 95 contributions ; « il voulait de la copie », me disait Pierre), Jean Paulhan (ce dernier fait publier Le champ de mai, qui paraît en 1955), Francis Ponge (pour qui, en 1975, il organise à Cerisy un colloque intitulé « Ponge inventeur et classique »), Édouard Glissant, Michel Deguy, tant d’autres. Chacun d'entre eux l'a soutenu.

Vêtu à la manière d’un employé de banque ou d’un fonctionnaire de sous-préfecture, s’exprimant volontiers par antiphrase, non dénuée d’espièglerie suave, il se mettait tout de suite, par obligeance naturelle, à la disposition de qui était en accord avec sa conception de l'univers. Car c’est à l'univers tout entier, à l'univers en mouvement, qu'il voulait soumettre ses poèmes ; il les numérotait comme on numérote des tentatives qu'il faut toujours recommencer.

Si l'on s’en tient à la forme, on y retrouvera les débris du verset de Claudel et de la laisse de Saint-John Perse (qu'il a toujours regardé avec un vif sentiment de joie et d'épanouissement). Mais il n'est pas question de vers dit libre. L'important est ailleurs. C'est le rythme qui compte et le choix, toujours incertain, des mots ; je veux dire que Pierre n'en était jamais content (de son choix). Il raturait inlassablement.

Nos rencontres eurent lieu au hasard, et de manière épisodique, chez les uns ou chez les autres, dans les années 1980.
Téléphoniques ensuite, entre Paris et Mexico, et puis dans un café, près de chez lui, dans la pièce du fond, À LA PETITE ROTONDE, quand j'étais de passage à Paris.
Je lui avais envoyé depuis le Mexique un manuscrit, La Montagne-Qui-Fume, en 2011. (Ce texte, qui lui est dédié, sera finalement publié au printemps prochain par les éditions Corlevour de Réginald Gaillard.)
Pierre m'a téléphoné une quinzaine de jours plus tard ; le temps que le colis arrive. Et quel coup de téléphone ! J'entends encore sa voix de prélat monté en chaire s'exclamer : ils sont tous là ! Il voulait parler de Ponge, de Lucrèce, de lui-même, de Jaccottet, enfin de de tous les poètes dont l'œuvre avait permis à ce texte d'exister. Exclamation suivie d'un long silence.
La conversation avait repris. Il m'a dit tout le bien qu'il pensait de ce texte qui tourne autour d'une divinité interdite il y a 500 ans, le Popocatépetl.

Puis nous avons continué à nous voir à La petite Rotonde, ou à nous parler au téléphone.

Se trouver en sa compagnie était toujours un moment délicieux. L’air de ne pas y toucher, avec la plus extrême délicatesse, il m’a appris beaucoup de choses. Ce que je lui dois est immense.

Pour conclure, tiré du recueil Un nom toujours nouveau :

« J'attends comme un vaisseau sans écoutille et sans sabord. »

 

Padoue, mercredi 28 octobre 2020

Le commentaire de sitaudis.fr

" Modeste témoignage de reconnaissance. " (MDL)