Alain Serres, Le Bestiaire des mots, Petits poèmes à cinq pattes par Élisabeth Beyrie-Soulassol
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Voici une réédition bien lumineuse que celle-ci dans la collection « Poèmes pour grandir » des éditions Cheyne qui s’adresse à des enfants dès 6 ans pour leur ouvrir les portes de la poésie…et de la philosophie. Une couleur rouge flamboyante en couverture et dans le corps du recueil ainsi que de beaux dessins des animaux et de la nature mis à l’honneur attirent l’attention. Il suffit alors d’ouvrir l’ouvrage pour entrer dans ce monde merveilleux.
Revenons un instant au titre de ce recueil, Le Bestiaire des mots, les mots seraient-ils devenus des bêtes ? Son auteur, Alain Serres, l'assure dans une page d'introduction manuscrite rédigée à l'encre rouge comme la couverture. Les mots « respirent », ils ont « des pattes ». Ils créent des « petits », les élèvent et les laissent ensuite voler de « leurs propres syllabes ». Quelle belle définition de la langue ! La suite de cette introduction est un véritable plaidoyer pour la lecture. « Non, les mots ne sont pas nés pour mourir au zoo ! Ouvrez donc les livres et délivrez les mots ! ». Il suffit pour cela de feuilleter ce recueil car à chaque page, les mots murmurent. Il suffit de les écouter pour qu’ils vivent. La préface d'Alain Serres se termine par trois questions : « Où va le monde sur cette fragile branche ? À quelle heure l'homme sera-t-il un poème ? Qui es-tu ? » qui signent un ouvrage à la fois poétique et philosophique.
96 quintils (poèmes à cinq pattes), illustrés chacun par un dessin, se succèdent numérotés à l’encre rouge et sans ponctuation. Ils sont le vecteur d’une conversation entamée par le narrateur avec les animaux, dialogue sans réponse. Le premier d’entre eux est la chenille :
Comme l’air
serait plat
si tu ne croyais
chenille
en tes projets
Le jeu de mots entre la forme de la chenille (plate) et l’air anthropomorphise cet animal et laisse à penser qu’il a des projets…quels sont-ils ? Une mue ? La série de quintils se poursuit avec l'évocation de plusieurs insectes : bourdon, libellule, éphémères, scarabée …
Un volubile
moustique
pique
et tue
en silence
L’antonymie entre le bruit du moustique et le silence de la mort réveille le sens de l’ouïe du lecteur. Le jeu se poursuit avec les sonorités criardes en « i » et le lecteur se remémore la désagréable expérience de la piqure de l’insecte. Mais voici que le lézard survient qui introduit la famille des rampants : la vipère, la couleuvre, l’escargot, le hérisson. Les animaux de la forêt surgissent avec la marmotte, la biche, le castor ou encore la louve. Nous voici maintenant dans la ferme avec la poule, le dindon, les canards, l'oie mais aussi le renard. Nous partons en Afrique avec le zèbre, le tigre, le singe, la girafe…
Je suppose
la panthère
noire
comme
un pressentiment
Puis nous suivons les vagues de la mer, de la rivière et de leurs habitants : saumon, thon, soles, méduses, la poule d’eau faisant la jonction avec les oiseaux…
Dans son sillage
l’immobilité
du cygne
soulève les deux ailes
de l’étang
L’imagination liée à la lecture réveille cette vision de douceur et de délicatesse dans le déploiement des ailes du cygne qui nage dans l’étang.
Les derniers poèmes de ce bestiaire parlent aux oiseaux, le corbeau, la pie, le condor, le moineau ou encore les cigognes. La colombe clôt le recueil :
Blanche
est la colombe
quand
elle ne veut pas
mourir
Ce dernier poème boucle la boucle avec le premier quintil - la chenille se mue en papillon et la colombe est un messager de la paix - et nous donne des indices précieux pour répondre aux trois questions posées par le poète. L’homme est un animal qui doit préserver le monde dans lequel il vit mais il doit aussi se préserver lui-même.
Qui suis-je ?