Alain Serres, Le Bestiaire des mots, Petits poèmes à cinq pattes par Élisabeth Beyrie-Soulassol

Les Parutions

28 mai
2025

Alain Serres, Le Bestiaire des mots, Petits poèmes à cinq pattes par Élisabeth Beyrie-Soulassol

Alain Serres, Le Bestiaire des mots, Petits poèmes à cinq pattes

 

 

Voici une réédition bien lumineuse que celle-ci dans la collection « Poèmes pour grandir » des éditions Cheyne qui s’adresse à des enfants dès 6 ans pour leur ouvrir les portes de la poésie…et de la philosophie. Une couleur rouge flamboyante en couverture et dans le corps du recueil ainsi que de beaux dessins des animaux et de la nature mis à l’honneur attirent l’attention. Il suffit alors d’ouvrir l’ouvrage pour entrer dans ce monde merveilleux.

Revenons un instant au titre de ce recueil, Le Bestiaire des mots, les mots seraient-ils devenus des bêtes ? Son auteur, Alain Serres, l'assure dans une page d'introduction manuscrite rédigée à l'encre rouge comme la couverture. Les mots « respirent », ils ont « des pattes ». Ils créent des « petits », les élèvent et les laissent ensuite voler de « leurs propres syllabes ». Quelle belle définition de la langue ! La suite de cette introduction est un véritable plaidoyer pour la lecture. « Non, les mots ne sont pas nés pour mourir au zoo ! Ouvrez donc les livres et délivrez les mots ! ».  Il suffit pour cela de feuilleter ce recueil car à chaque page, les mots murmurent. Il suffit de les écouter pour qu’ils vivent. La préface d'Alain Serres se termine par trois questions : « Où va le monde sur cette fragile branche ? À quelle heure l'homme sera-t-il un poème ? Qui es-tu ? » qui signent un ouvrage à la fois poétique et philosophique.

96 quintils (poèmes à cinq pattes), illustrés chacun par un dessin, se succèdent numérotés à l’encre rouge et sans ponctuation. Ils sont le vecteur d’une conversation entamée par le narrateur avec les animaux, dialogue sans réponse. Le premier d’entre eux est la chenille :

Comme l’air

serait plat

si tu ne croyais

chenille

en tes projets

 

Le jeu de mots entre la forme de la chenille (plate) et l’air anthropomorphise cet animal et laisse à penser qu’il a des projets…quels sont-ils ? Une mue ? La série de quintils se poursuit avec l'évocation de plusieurs insectes : bourdon, libellule, éphémères, scarabée …

Un volubile

moustique

pique

et tue

en silence

 

L’antonymie entre le bruit du moustique et le silence de la mort réveille le sens de l’ouïe du lecteur. Le jeu se poursuit avec les sonorités criardes en « i » et le lecteur se remémore la désagréable expérience de la piqure de l’insecte. Mais voici que le lézard survient qui introduit la famille des rampants : la vipère, la couleuvre, l’escargot, le hérisson. Les animaux de la forêt surgissent avec la marmotte, la biche, le castor ou encore la louve. Nous voici maintenant dans la ferme avec la poule, le dindon, les canards, l'oie mais aussi le renard. Nous partons en Afrique avec le zèbre, le tigre, le singe, la girafe…

Je suppose

la panthère

noire

comme

un pressentiment

 

Puis nous suivons  les vagues de la mer, de la rivière et de leurs habitants : saumon, thon, soles, méduses, la poule d’eau faisant la jonction avec les oiseaux…

Dans son sillage

l’immobilité

du cygne

soulève les deux ailes

de l’étang

 

L’imagination liée à la lecture réveille cette vision de douceur et de délicatesse dans le déploiement des ailes du cygne qui nage dans l’étang.

 

Les derniers poèmes de ce bestiaire parlent aux oiseaux, le corbeau, la pie, le condor, le moineau ou encore les cigognes. La colombe clôt le recueil :

Blanche

est la colombe

quand

elle ne veut pas

mourir

 

Ce dernier poème boucle la boucle avec le premier quintil - la chenille se mue en papillon et la colombe est un messager de la paix - et nous donne des indices précieux pour répondre aux trois questions posées par le poète. L’homme est un animal qui doit préserver le monde dans lequel il vit mais il doit aussi se préserver lui-même.

Qui suis-je ? 

 

           

Retour à la liste des Parutions de sitaudis