Écrit en fumant du belge. par Sylvain Courtoux

Les Parutions

23 nov.
2002

Écrit en fumant du belge. par Sylvain Courtoux

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Ivar Ch'Vavar
(Pierre Mainard éditeur, 2001)


On connaissait le (joint) javanais (en argot, ça consiste à intercaler après les voyelles les syllabes av ou va), maintenant on découvre, avec ce petit texte d'Ivar Ch'Vavar (directeur de la très droite revue le Jardin Ouvrier), le (pétard) belge, qui consiste à déplacer, inverser, postposer les mots de manière relativement aléatoire (articles, sujets, verbes, etc.), la limite étant fixée quand même à la compréhension du texte.Exemple :


«Pourtant fillettes les savaient qu'vagin un elles avaient: combien de fois, promenant me innocemment avec d'elles l'une, bosquet dans un, un vague terrain, elle laissait me bout quelques pas avancer seul au de un peu (...)».

Quand on commence le livre, tout démarre (presque) normalement (par cette terrible phrase terriblement Pennequinienne, je regarde de près ma connerie en ce moment) et c'est au fil des pages, où l'auteur nous fait partager ses divers souvenirs érotiques adolescents (qui ne manquent pas de piquant), que se distille l'hallucination verbale. On a d'ailleurs l'impression que la fumée belge vient comme brouilleur de souvenir, comme brouillant les souvenirs, à la manière d'une instance répressive. C'est comme si à mesure que l'on s'approchait de la part sombre, obscure, innommable du souvenir sexuel, et à mesure que ce souvenir devient lui-même de plus en plus précis, situable, sur l'échelle du fantasme pervers (scatologie, ondophilie, etc.), la répression (la dislocation de la syntaxe) devient de plus en plus forte. Comme si l'auteur, au fond, ne voulait pas vraiment nous rendre compte de ses expériences, ou comme si plutôt, il ne pouvait pas vraiment nous en rendre compte (étant trop défoncé lui-même). Ou bien aussi, pourquoi ne pas penser (?) que ce petite texte incarne en quelque sorte le paradigme du jeu de l'écriture, c'est à dire, je joue de mes fantasmes comme je joue de ma langue, je joue de ma langue comme je joue de mes fantasmes.
Le commentaire de sitaudis.fr La première contibution de Sylvain Courtoux à Sitaudis, à propos d'un livre de Ivar Ch'Vavar.
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