Foire internationale d'Emmanuelle Pireyre, extrait

Les Parutions

11 oct.
2012

Foire internationale d'Emmanuelle Pireyre, extrait

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30 octobre 2011

 

 

« Tiens, je crois que ça va mieux », dit en se réveillant Cyrille qui est médecin et, en l’occurrence, se sent aussi guéri d’une maladie mentale passagère.

Depuis son retour d’Italie mi-septembre, Cyrille éprouve des difficultés à se réhabituer en France. Par exemple, il marche dans la rue et les magasins ne l’intéressent pas, il a l’impression d’être dans une gaine plastique bleue, les personnes sont comme des choses, les choses comme de l’eau qui coule. Cyrille, fort de ce qu’il a appris en Italie, a nommé cette affection le Syndrome Raphaël parce qu’on a souvent rencontré un problème identique avec les peintures de Raphaël : les peintures étaient là avec toute leur beauté, mais les gens ne les voyaient pas. De nos jours, les choses sont simples, nous avons les cartels et les guides touristiques qui nous indiquent avec précision ce que nous devons trouver beau ; mais à une époque où on était tellement moins bien organisé, les gardiens du Vatican racontaient que les gens, à la fin de la visite, réclamaient de voir les célèbres fresques de Raphaël, alors qu’ils étaient déjà passés devant sans y prêter la moindre attention.

Jusqu’à hier, c’était pareil pour Cyrille : sensation de tiède et de fade, impression que la beauté est effacée, que l’anecdotique est bétonné à l’intérieur des maisons, que le détail a disparu de la surface du monde.

 

« Or, ça ne s’explique pas, théorise Cyrille, le Syndrome Raphaël m’a quitté hier soir » ; le Syndrome Raphaël s’évanouit aussi brutalement qu’il survient. Dans son cas, le Syndrome a disparu pendant le concert folk de Ali Harter. Ali avait cette frange terrible lui couvrant les yeux jusqu’au nez, ce tatouage sur le bras, et le Syndrome s’est arrêté au moment précis où Cyrille s’est aperçu qu’à force de furieux riffs sur sa guitare, un doigt de la jeune femme de l’Oklahoma était en sang. Juste après, il a repensé à une vitrine de bonnets ressemblant à des oiseaux de l’équateur ; puis à une plongeuse un jour de nettoyage du plan d’eau : dans sa combinaison noire, elle était ressortie de l’eau tenant au-dessus de sa tête une grosse clé argentée.

Doigt blessé, bonnets multicolores, combinaison noire, clé argent : la pompe à détails était bel et bien réamorcée.

 

 

 

Le commentaire de sitaudis.fr

En même temps que Féérie générale (cf. recension ici http://www.sitaudis.fr/Parutions/feerie-generale-d-emmanuelle-pireyre.php par Katrine Dupérou), Emmanuelle Pireyre publie ces microfictions à l’imagination débordante, non pas seulement au sens courant : si nous sommes douillettement bordés (bornés) par des certitudes d’ordre sociologique, l’auteur nous déborde avec une allégresse communicative et un regard sur nos mœurs dans l’héritage cruel de Swift et La Bruyère.


 


 http://www.lespetitsmatins.fr/ , 2012


coll. Les grands soirs


80 p.


9 €


 


 


 

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