JEUX DE LECTURE de Siegfried Plümper-Hüttenbrink par Hervé Bauer

Les Parutions

12 août
2020

JEUX DE LECTURE de Siegfried Plümper-Hüttenbrink par Hervé Bauer

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JEUX DE LECTURE de Siegfried Plümper-Hüttenbrink

                                        IL OU LE LECTEUR

 

             « On ne se développe à sa manière qu’après la mort, quand on est seul. »

                                                                       Kafka   APHORISMES DE LA SÉRIE : IL

 

  Les reflets de métal de la couverture, qui évoque une dalle aux inscriptions funéraires, font qu’on ne sait pas trop si on va entrer dans un livre ou traverser un miroir. Sauf à ce qu’il y aille d’une seule et même chose. Comme un miroitement de sens et de signes.

  Qu’est-ce que lire ? Par quelles épreuves passe celui qui, de suivre, au moins mentalement, du doigt, tel un enfant, des lignes à haute tension, devient lecteur ? Se change, par certaine opération occulte, en lecteur ?

Il se retrouve, de fait, perdu pour lui-même et pour les autres, seul, comme dans une île qui ne figure sur aucune carte, aucune page, où ne souffle pas même son souffle qu’il retient. Tout vrai lecteur est un insulaire sans retour. Mais là, ou plutôt là-bas, il n’y est pour personne, à commencer pour lui, abonné à l’absence.

Il n’est plus Je, enté d’un corps, mais Il, réduit à son ombre qui le hante comme un disparu corps et bien. Qu’est-ce que le lecteur, sinon l’ombre portée de sa disparition dans la lecture ? Je Tu Il, répète l’écolier, Il tue Je, dans l’acte inavouable et sans témoin de lire. Comme si on commettait une lecture. Et c’est précisément ce qu’on se surprend à faire, à perpétrer, en lisant « Jeux de lecture », dont on ne revient pas.

Le lecteur, dans son « ex-île », n’a plus de semblable, lui y compris. Mais aussi a-t-il un frère, un petit frère, l’enfant analphabète qui se joue de lui. S’il y a miroir, ne s’y réfléchit l’image de personne, c’est-à-dire de quelqu’un qui brille par son absence.

  Mais de quel lecteur est-il fait ici le portrait ? Qui de qui a tiré à l’aveuglette le portrait ?

L’auteur, tout à ses jeux oraculaires de lecture, emprunte des masques à travers lesquels lire dans l’ écho de Walter Benjamin, prophète d’une pratique augurale de la lecture ; et dans le regard vacant de Ludwig Wittgenstein, qui frappe d’un gong aporétique la certitude pour lui faire rendre un son d’incertitude.

         L’auteur est en proie à son ombre.

 

Le commentaire de sitaudis.fr


Éric Pesty éditeur, 2020
182 p.
18 €


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