Lacan Redivivus par Philippe De Georges

Les Parutions

03 nov.
2021

Lacan Redivivus par Philippe De Georges

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Lacan Redivivus

Lacan, comme l’envers

 

 

Il y a quarante ans disparaissait Lacan. Pour marquer cette date de la bonne manière (c’est-à-dire : pas en commémorant), Jacques-Alain Miller qui a la charge de l’œuvre à publier, a pris un certain nombre d’initiatives. La première a été d’ouvrir la totalité des archives, que de petits groupes de travail (appelés depuis Lacan cartels) explorent soigneusement. La deuxième, de faire paraître un certain nombre d’inédits. La troisième, de réaliser un volume exceptionnel de la revue Ornicar ?, sous le titre de Lacan Revidivus.

Ce numéro se présente un peu comme Les Cahiers de L’Herne ou la revue Obliques, quant au format. Il ne présente plus sur sa couverture le bandeau noir qui faisait signe de deuil, depuis septembre 1981. S’y trouve regroupée une étonnante série de manuscrits, de documents, de textes et de témoignages : Carnet intime où Lacan notait ses rêves pendant son analyse, sous le signe d’Oberamergau, en 1934 ; inédit d’un écrit, « Mise en question du psychanalyste », auquel il avait renoncé, au moment du Séminaire Les Quatre concepts fondamentaux de la psychanalyse ( il dit déjà de ce travail dont le titre est tout un  programme, qu’il serait « de mon discours, comme l’envers » ; correspondances privées diverses (de Louis Althusser à Jean Wahl en passant par Fellini et Heidegger, Roman Jakobson et Mélanie Klein), dont la plus étonnante est sans doute un échange qui vaut son pesant d’hosties avec son frère Marc, moine de l’Abbaye de Hautecombe, en 1953, où le psychanalyste fait part de préoccupations matrimoniales et religieuses déconcertantes ; récits touchants de membres de la famille, dont son fils peu connu, Thibaut ; anecdotes et souvenirs d’anciens analysants ; de sa secrétaire Gloria, en éminence grise ; de sa dernière compagne, Catherine Millot (à propos de La vie avec Lacan) ; ponctuations, de Barbara Cassin et Éric Marty, notamment. Le volume est aussi l’occasion d’un entretien (mené par France Jaigu, avec Jacques-Alain Miller), passionnant pour qui s’intéresse à l’histoire du mouvement analytique, où sont évoqués très simplement (c’est-à-dire sans langue de bois et sans fausses pudeurs) les dernières années d’une vie passée, comme il disait lui-même, à « être Autre malgré la loi ».

Le temps fait son ouvrage. Nombreux sont ceux qui se réclament encore de la voie tracée par celui qui se définissait comme « hérétique », au sens où nulle orthodoxie, nul standard et nul conformisme ne motivaient ses décisions, mais seulement son choix. Son désir décidé nous vaut une œuvre abondante et riche, pour une part encore à découvrir. Elle inspire de multiples groupes de praticiens de la psychanalyse, jamais au bout de leur surprise, puisque jusqu’au dernier souffle Lacan a su empêcher qu’on lui élève statues ou mausolée, qu’on fige l’élan d’une pensée qui n’a jamais craint de se contredire et dont la puissance de subversion émancipatrice ne cesse pas de déranger le maître.

 

 

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