Ho-Sook Kang (1968-2021) par Christian Bernard

Les Célébrations

Ho-Sook Kang (1968-2021) par Christian Bernard

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Un jour vous apprenez la mort d’un être cher, vous apprenez qu’une amie de longue date et une partenaire essentielle est décédée. Vous ignorez dans quelles circonstances, vous ignorez comment ou de quoi. Mais le fait tragique est là : Ho-Sook est morte. Vous êtes soudain assailli par l’évidence de l’irréversible et l’énigme du pourquoi.
            Ho-Sook Kang était d’abord une personne d’une extrême sensibilité, d’une élégance constante dans les rapports humains comme dans ses réalisations graphiques, d’une intelligence attentive et d’une éthique patiente et sûre. Discrète, secrète, prompte à se retirer dans ses dédales intimes. Mais aussi soucieuse de ses amis, de ses relations.
            Elle avait choisi de vivre en France. Elle y avait peu à peu gagné le respect et l’admiration de celles et ceux avec qui elle avait travaillé. Combien d’artistes, combien d’auteurs se souviennent avec émotion de la qualité sans faille de son écoute et de l’exacte adéquation de ses propositions ? Ho-Sook avait le souci d’autrui, elle avait le sens du soin.
            Ho-Sook était aussi cette personne fluette, d’apparence fragile qui luttait sans cesse contre ses inquiétudes, ce qu’on appelait ses démons. Elle pouvait être infiniment seule, conversant avec la détresse. Si Ho-Sook savait connaître la joie, elle semblait redouter le bonheur.
            Rien ne lui procurait plus de fierté que de donner forme et visage aux livres des artistes qui lui étaient confiés. Le mot de confiance suffit à dire comment elle était vue par ses interlocuteurs.
            Les livres du Mamco, ceux des éditions Walden N, lui doivent forme et visage dans leur sobriété et leur simplicité. La graphiste s’y tient en retrait, évite toute signature logotypique, invente le plus juste rapport entre les mots et la page, entre les textes qu’elle prenait toujours le temps de lire avec empathie et les images qu’elle savait apparier et enchaîner subtilement dans la suite rythmée des cahiers.
            Elle aimait penser et dessiner ces livres, elle ne s’y affichait jamais. Son œuvre s’est interrompue après le catalogue de Natacha Lesueur pour la Villa Médicis.
             Nous sommes plus que quelques-uns à lui devoir quelque chose de précieux. Les êtres rares nous laissent endettés.
             Ho-Sook Kang appartient désormais à la mémoire des livres.