Mathieu Bénézet par Matthieu Gosztola

Les Célébrations

Mathieu Bénézet par Matthieu Gosztola

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La chemise de Pétrarque pour dire 

: la douleur 

: l’être-seul 

: être malgré tout vivant alors que seul on avance 

: seul on reste & demeure 

: seul toujours malgré l’espérance d’une main tendue 

: pour nous sortir de là 

: notre être-seul 

: […] (expulsé)

: la parole 

: le poème 

: alors là debout 

: même si fragments de vers 

: même si déchirures 

: ces poèmes tracés sur le papier, frêles, pour nous aider à tenir debout dans notre esquisse d’un geste tendu

: dirigé, dirigé

: vers l’autre 

: ce lecteur 

: l’autre toujours autre reste lecteur, ce lecteur désiré, patiemment désiré 

: un lecteur tapi dans le corps de chaque autre, autre aimé, autre aimée 

: ainsi parle Mathieu Bénézet 

: & le poème 

: le poème qui chante 

: sa « voix » est dans notre « ventre » (Homme au jouet d’enfant

: il n’est jamais plus qu’esquisse 

: on retombe toujours en soi-même 

: inéluctable que patiemment & douloureusement

: note Bénézet, livre après livre 

: et qu’il combat tout autant, par la force-forme de sa parole – dépouillée de tout – 

: avancée tremblante, tremblée 

: « Ô ce tremblement de toi que je peux presque-toucher ! Quelque chose est figé là comme dans les statues de Bernin, qui est l’instant même de la mort où la vie se voit. » (Ceci est mon corps

: parole vacillante d’un théâtre ruiné, brûlé 

: calciné le cœur du mot 

: se taire 

: écorché se taire

: « Tu avances dans la confusion des peines / : tu avances aphone / Qu’est-ce que le froid / Où je t’ai cherchée » 

: être dans le froid 

: prendre acte du froid dans le corps 

: le frôlement des animaux nous a quittés 

: parfois la lettre 

: seule

: a 

: b 

: c 

: d 

: e 

: f 

: g 

: h 

: i 

: j 

: k… « alphabet : une lettre hospitalisée » 

: alors laisser 

: l’abandon pour vivre 

: « laissons la dernière langue / se séparer » 

: et voir 

: même si la folie 

: « écrire sur la bouche d’Osiris quand on y est / la douleur dessine l’or elle / la peinture coule / elle peint des cadavres / le dit de la folie / sculpte ce qui ne se voit pas » 

: la folie reste là où la langue se défait, nous emporte, ruisseau de boue ; « ruisseau sale » 

: reste la possibilité de la lumière, qui ne sera jamais qu’une pénombre ; seule elle aussi 

: « vois la pénombre / est la lumière / tapie / dans le poème » 

: Mathieu Bénézet et tout écrivain selon Mathieu Bénézet est « La petite fille retrouvée » 

: de William Blake 

: The little girl found 

: « Seven nights they sleep, / Among shadows deep : / And dream they see their child / Starv’d in desart wild » (« Ils dorment pendant sept nuits / Dans le noir absolu de l’ombre / Ils rêvent qu’ils voient leur petite fille / Elle est affamée, elle dépérit »)

: et cet aveu expulsé du ventre de Ceci est mon corps 

: pour éclairer l’intérieur de La chemise de Pétrarque 

: « Puisque personne ne nous a aimés » ; et nous pouvons donc écrire et parler et créer oui, puisque nous sommes désolés. »