Huit études sur la poésie contemporaine (vol 1 et 2)

Les Parutions

17 déc.
2003

Huit études sur la poésie contemporaine (vol 1 et 2)

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Le premier titré Singularités du sujet , le second Pluralités du poème , les deux volumes (parus au printemps 2002 puis au printemps 2003), ont les deux mêmes maîtres d'œuvre, Lionel Destremau (qui dirigea la revue Prétexte devenue désormais maison d'édition) et le poète et critique Emmanuel Laugier qui s'adjugent respectivement les préfaces et post-faces.
Pour l'éditeur, le pari est le même : choisir, hors de toute idée de mouvement et de regroupement, des poètes nés entre 1945 et 1955 ; et mettre en évidence l'œuvre de ces poètes...dans l'éclairage porté sur les singularités qui constituent ces parcours d'écriture et l'importance de ces voix. Des critiques (dont une brève bibliographie figure, comme celle des 8 + 8 poètes étudiés, en fin de volume), ont été sollicités et chacun d'eux a travaillé sur l'œuvre de son choix sans qu'ils se concertent ; seuls quatre d'entre eux sont présents dans l'un et l'autre volume, Stéphane Baquey (pour Jean-Patrice Courtois et Jean-Christophe Bailly), Valéry Hugotte (pour Antoine Emaz et Yves di Manno) Anne Malaprade (pour Jean-Paul Michel et Patrick Wateau) et Emmanuel Laugier lui-même (pour Lamarche-Vadel et Jean-Michel Reynard).
Prenant appui sur Giorgio Agamben et Jean-Luc Nancy mais aussi sur Georges Didi-Huberman (parce que ces problématiques ont été mises en évidence dans le domaine des arts avant que la poétique ne s'en empare), Emmanuel Laugier tente de penser dans, par et pour ce qui tente de s'inscrire aujourd'hui comme poésie, la question des rapports du sujet (épuisé, insauvable, déconstruit) au réel (l'impossibilité de son expérience). Et dans la filiation d'une rhétorique apophatique, il commence sa seconde post-face ainsi :

On ne sait pas ce qu'est une voix singulière.

Il choisit, avec habileté et délicatesse, de se frayer une voie dans le non-savoir et l'impensé de ce qui (nous) regarde ; finit par nous faire saisir la chance de travailler dans ce que l'époque historique moderne a failli annihiler : tout le battement (ténu) entre sujet singulier et singularité quelconque, entre un dedans fait de dehors impersonnalisant (cousu de ON) et un dehors fait de dedans (construisant).
Ce résumé très idiot ne dispensera personne de lire Laugier dans le texte, il faut y aller voir de près.
On serait bien en peine ensuite s'il fallait distinguer plusieurs des poètes choisis, soit pour leur importance soit pour la qualité des études qui leur sont consacrées, soit pour les deux raisons. Disons simplement qu'il est vivement conseillé de tout lire (si l'on s'intéresse à ces questions) et que cette initiative, bien en prise sur une époque où les poètes d'importance sont trois fois plus nombreux que leurs lecteurs, a le mérite d'être quantitativement mesurée, les textes sont assez courts et précèdent des poèmes ou extraits ne dépassant pas trois pages. Par delà les écarts de style et de compétence, entre la prose univesitaire d'un Stéphane Baquey et celle débutante d'un Christophe Grossi, se dessine pourtant l'homogénéité des préoccupations et un même effort de penser ; pour ajouter du liant à ce lié, remarquons que dans le second volume, une même coquille parcourt l'ensemble : la préposition "À" en majuscule n'est jamais dissociée du mot qui la suit! On pourrait , en hommage à Daniel Arasse, interpréter ce détail comme signifiant la force d'attraction des procédures dédicatoires dans la poésie contemporaine...
Alors distinguons seulement le négatif, une seule tache : le verbiage nonchalant et ennuyeux d'Alain Duveau sur la "poésie" pareillement qualifiable de Messagier. Mais n'est-il pas dommage de conclure là-dessus? Revenons à ces deux premiers volumes d'une série qui pourrait en connaître encore un ou deux pour souligner qu'imprimés en France, (presse rotative numérique), ils sont d'une belle qualité de fabrication ; très jolis, ils tiennent dans la poche (ceci n'est pas une métaphore).
Le commentaire de sitaudis.fr éd. Prétexte
145 et 160 p.
11 € l'un
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