Soup julienne de Julien Blaine par François Huglo

Les Parutions

8 juil.
2025

Soup julienne de Julien Blaine par François Huglo

Soup julienne de Julien Blaine

 

 

            Pâtes alphabet au menu. Une pluie de lettres (bonjour Apollinaire, bonjour Cummings !) comme une pluie d’atomes dans la soupe cosmique, baptisée par Blaine et même signée de son prénom féminisé : Julienne. Une julienne est une soupe de légumes qu’il faut préparer, cuire. De même, Blaine cuisine le ready made, et offre aux « émetteurs épistolaires » sa recette pour « actualiser de vieilles images ». En bilingue (français, anglais), et photos à l’appui. Alors que Campbell’s soup de Warhol utilisait la sérigraphie, Blaine a recours au pochoir, qui renvoie aux empreintes préhistoriques de mains. L’ « image pochée ou "pochade" » se détache plus ou moins nettement d’un fond, s’y noie pour en émerger, en naître, comme les dessins de Victor Hugo (qui, lui aussi, usait du pochoir) naissent de taches d’encre ou de matériaux divers. Selon Gaétan Picon, le dessin est pour lui « un geste spontané, une réaction de nature plus qu’une conduite de culture. Un geste défini par sa rapidité, rapt pour saisir ce qui est dans la vue ou l’esprit ». Le second tome de l’œuvre graphique hugolien dans l’édition du Club français du livre (1969) mêle « architectures, paysages, marines, décors, pochoirs, pliages, taches ». Pour préciser ce qu’est pour lui une « image pochée ou "pochade" », Julien Blaine note en bas de page : « 1. Croquis en couleur exécuté en quelques coups. 2. Œuvre littéraire écrite à la va-vite ». Le fond où nagent les lettres confère à la figure apparaissante-disparaissante un rayonnement, une aura psychédélique pouvant rappeler Turner, Redon, ou le sfumato de Vinci, autour de visages féminins. Parfois l’image sort de son bain avec une netteté hallucinante, celle d’un pan de mur de château reflété par un cours d’eau, parfois elle s’y fond comme en un métal en fusion. Ou elle dérive dans les teintes froides d’un fjord. Les lettres animent ce fond, autour de figures, ou elles prennent toute la place. La recette indique : « Lettres récupérées avant d’être consommées en consommé ». Ou, moins grouillantes, elles flottent sur un fond noir, en constellations mouvantes d’électrons ou de chromosomes à la recherche d’un code à inscrire. Blaine trie, cherche à lire et à former un mot dans les lettres, « Pour dire quoi ou qui ? ». Enfin, il sélectionne une « phrase finale triée à partir des mots sélectionnés dans les 6 rectangles noirs ». Il ne peut s’empêcher de changer le graphique en poétique, la contemplation en action, répondant ainsi au titre de la collection : « C’est mon dada ».

 

 

 

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