Lucia Etchart-Burro Cacao par Nathalie Quintane
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La plupart des hétérosexuels voient les pédés comme de grandes folles (donc rigolotes) et les lesbiennes comme des coupeuses de couilles sinistres (modèle Valérie Solanas). Les deux livres que sortent Les Petits Matins viennent mettre un terme à la deuxième partie de cette légende urbaine et campagnarde. Dans Burro Cacao, L.Etchart continue son entreprise de maltraitance systématique de l’orthographe française, ce dont nous ne pouvons que lui être reconnaissant.e.s. Dans la revue Mouvement, elle explique que les écrivains-profs de son master de création littéraire ne parvinrent jamais à la convaincre de rétablir les apostrophes, par exemple. Ce livre ne contient donc aucune apostrophe (j’ajouterais qu’il serait peut-être utile d’inviter comme profs des écrivains un peu moins spécialistes du récit et un peu plus lectrices et -teurs de poésie, mais ce n’est qu’une suggestion). Burro Cacao aligne de courts poèmes (soit des petites proses qui passent à la ligne), des images bien connes et drôles tirées des réseaux, des histoires plus longues pas bien écrites. L’un de mes poèmes préférés est celui-ci, placé en vis à vis d’un portrait d’un Napoléon 1er fatigué :
Matematica
JE PEU PA FAIRE PLUS
MAI VOUS
VOUS POUVEZ FAIRE MOINS
Concha de su madre
Il y a aussi cette punchline de rue, à reprendre le cas échéant quand quelqu’un se fait insistant :
(…)
Toi c est sur tu baises bien
Me dit un
De toute sa poesie
Je lui di grave frere
Demande a ta mere
Cetai coment sa nuit
Ou encore un poème sur l’odeur merveilleuse dégagée par l’aisselle d’un chien
La Vica prend l aisselle du chien
Elle me di
Fais un poème a ca, fait le bien
Le livre s’achève sur la description d’un discours de Fidel Castro auquel Etchart a assisté
Le pleur des gens, les chaises, les frigos, le Che. Tout ca pour toujours dans mon keur.
Une longue prose où elle parvient à restituer le lieu, les circonstances, l’émotion du public
Et il nous la montre. L arme la plus puissante de toutes : la conscience politique.
Etchart se casse, elle retourne au pays (l’Uruguay), la France la saoule, ce qu’annonçaient la première de couverture (une Tour Eiffel explosée par une sorte de navette spatiale sexy) et un ultime poème en espagnol. Dommage. Nous avions enfin une montevidéenne capable de relever le gant lancé il y a cent cinquante ans par Laforgue et Ducasse.