LE CLUB, Antoine Hummel par Nathalie Quintane

Les Parutions

05 févr.
2024

LE CLUB, Antoine Hummel par Nathalie Quintane

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LE CLUB, Antoine Hummel

Les occasions, qui sont des circonstances, de publication, font que Le Club, paru d’abord dans le blog https://testanonpertinente.net, semble fournir un second volet au volet numéro un que serait Ça joue (éd. La Tempête) — à moins que ce ne soit l’inverse. C’est en tout cas sur le blog qu’on a la clé de l’expression revenante et tournante «  battre la journée » car le club, toujours défini par la négative (c’est-à-dire jamais : le club fuit) passe ses journées à les battre, étant entendu que leur aube, et la suite, emportent la partie

Et la Journalière se poursuit 
sans présage

Avant que leur fin inévitablement

Se disperse
Dans l’asthénie

« Club », donc, de l’anglais « bâton », « société », indique l’exergue de la série de courts poèmes du blog. 
On sait que le père d’Hogarth, le peintre des clubs anglais, avait fait faillite en créant un club dont les membres devaient parler latin. Dans l’atmosphère enthousiaste, quasi maniaque, de la Londres commerçante et en pleine expansion de l’époque, puisque ça jouait et pas qu’un peu, pourquoi pas ? Le club d’Hummel ressemble à La famille Wollaston, ce tableau de 1730 où une quinzaine de membres statiques, assis ou debout dans un salon, regardent tous dans une direction différente mais ensemble — la devise du club n’est-elle pas «  Activité et distinction depuis 1984 » ? Hogarth place souvent dans ce genre de toiles de genre des chiens qui, étant des calques de leurs maîtres, en sont la parodie ; des chiens membres du club à part entière. Le chien d’Hummel, c’est sa langue, classique et administrative, tournante et revenante. 

De là/regarde l’indigne mémoire/de toute journée/à laquelle il fut simplement assisté/sans laisser d’affecter le club depuis/l’intérieur des membres/et pas la contrée de leurs instants/Ils savent bien/à titre affectif que le jour/n’a pas d’autre promesse/que d’avoir un cours et une fin

Ainsi le club est une conversation piece qui fait suite et/ou précède la fanfare confessionnelle de Ça joue. 
De qui parle-t-elle (plutôt que de quoi) ? Du poète, comme on disait dans le temps, et d’un poète dont les états d’âme sont rien moins qu’un problème public car

TOUT CE QUI FRAPPE LE MONDE VIENT
   PAS TOUJOURS MOINDREMENT
   ET DEPUIS 1984
FRAPPER LE CLUB. 

parce que voyez-vous Le club, qui n’est pas une société, n’est pas non plus un cercle, ni une assemblée, ni une association, ni même un groupe, ni une communauté, ni une amicale… Le club a pourtant des amis (presque) partout : Italiens (Interiorità non violata), Anglais (Fraternal inwardness : intériorité fraternelle), Allemands (Selbstverständliches Zusammenwirken : coopération naturelle), Russes (Nié provesti za non : les non-dupes)… Ces amis 

partagent

Mais

Une différence existe cependant qui sans être un motif de rupture
est l’occasion d’un litige. 

(répète le texte après chaque mention d’amitié).

Au milieu des années 80 (les années d’hiver de Guattari), Nancy plaçait ce qui restait de communauté possible dans le désœuvrement (là, le club est OK, on ne peut pas faire plus désœuvrée qu’une journée battue) et dans « ce qui nous laisse exposés les uns aux autres ». Le club, d’une certaine manière, reconnaît cette préséance :

Ce qui est dit au club 
reste au club 

Tout en précisant :

et comment 
pourrait-il en être autrement 
tant l’attention aux propos des membres 
     dans le club 
est inversement proportionnelle à celle qu’ils 
peuvent se flatter d’éveiller dans le monde. 

Mais les membres du club sont exposés les uns aux autres à peu près comme les Anglais polis de la famille Wollaston, ensemble regardant ailleurs. 

Cependant :
Si
La chimère de l’intériorité
Et la chimère de la communauté sont
« Sœurs incestueuses dont notre monde naquit »
Alors tu es une chèvre et (…)
Si tu es une chèvre alors 
tu es un âne. Or
Si tu es une âne 
Il n’est pas douteux que tu sois un âne mort.

La communauté n’est pas plus «  au devant de nous » (Nancy) que derrière, et cependant. 
Le club est un livre politique sur la solitude — la nôtre —, le livre de poésie le plus triste depuis la parution d’Anachronisme de Tarkos (2001). Certains membres du club sans doute protesteront : ce n’est pas le moment, Vorwärts, Littérature & Révolution, etc. Ma foi, si vous préférez qu’on vous l’emballe. 


  

 

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