Denise Le Dante-Rosa (2) par Jacques Barbaut
- Partager sur :
- Partager sur Facebook
- Épingler sur Pinterest

Là où est la rose, il faut danser !
— Une injonction qui descendrait, en zig-zag, de cette autre, discutée, en latin : HIC RHODUS, HIC SALTA !
Cette nouvelle miniature (format et nombre de pages, nombre d’entre elles n’accueillant qu’une citation) — son titre en couv’ fusionnant tag sauvage et marque sanglante, ou d’une Rosa l’autre — constitue désormais le second volet du diptyque Scum/Rosa.
(Je me souviens aussi de la première déclinaison latine que serina le grand Brel : Rosa rosa rosam…)
Entre air et eau, vent et neige, ce nouveau rêve diurne restitue en touches pointillistes la vie-l’œuvre d’une femme de luttes, tirant profit de toutes les ressources de la typographie, usant aussi de signes, notes, silences, symboles, cartouches, soulignés, dessins abstraits… — une partition.
Se fondant sur l’Herbier de prison, soit sept cahiers d’enfermement datés d’avril 1915 à octobre 1918, publié il y a peu grâce aux soins de Muriel Pic — « un témoignage de résistance et d’évasion, une fabrique de formes et de joie » —, empruntant la langue des oiseaux : cette phrase dite « des mésanges » : chant pépié, émiettement sonore dispersé sur la page, reprises en écho (la mésange titine, zinzibule ou zinzinule).
Ce
tsvi – tsvi-tsi — TSVI — TSVI-TSI
« qui fusait clair et fin comme une aiguille d’acier ».
(Pour Jacques Demarcq, c’est t’cythère/est très bête que les mésanges [famille des Passereaux, 14 genres, 64 espèces] disent ou font entendre en chantant — > Les Zozios, 245.)
Des vocalises qui ont la capacité de traverser les barreaux.
En 2024, à une question de Liliane Giraudon qui l’interrogeait sur « la présence quasi sémantique des interventions visuelles (ponctuation, mise en espace, utilisation du matériel typographique, orchestration du déroulement dans la page…) », Denise Le Dantec répondait : « [Scum] est écrit aux marges de la langue, à saccades brèves, précipitations, onomatopées. C’est une parole murmurante qui “tâche à saisir l’énigme”. Les points d’exclamation dressent les lignes, les ponctuations excèdent la zone de licence… ».
* * *
Exprimées par Rosa Luxemburg, ce serait comme ses dernières volontés :
« Et si, par impatience, je ne devais pas vivre ce printemps, n’oubliez pas que sur la pierre de ma tombe on ne devra rien lire d’autre que tsvi-tsvi. »
Vœu auquel répond en miroir cette noble injonction de Karl Liebknecht :
« Malgré tout, ce n’est pas tant qu’il ne faut pas mourir, c’est qu’il faut ne pas mourir. »
Le sait-on encore ? deux semaines après la formation du Parti communiste d’Allemagne lors de l’insurrection spartakiste de Berlin, Karl Liebknecht, autrefois député au Reichstag, est arrêté le 15 janvier 1919 par des paramilitaires et sauvagement assassiné, le même jour que Rosa Luxemburg, tous deux âgés de 47 ans — le corps de Rosa jeté dans le Landwehrkanal (celui de Virginia Woolf, lui [évoqué dans Scum], fut retrouvé dans l’Ouse).
Auteure notamment d’un Roman des jardins, d’une Encyclopédie des herbes et d’un Journal des roses (Bartillat, 1998, 2000, 2002), Denise Le Dantec stylise, déplie quelques pétales de la rose des vents, dessine autant un chat qu’une fleur, arbore un drapeau rouge frappant la page et écrit — & tandis que l’aile du cosmos manque à Hölderlin —, insiste encore et toujours en lettres capitales :
LE
DÉSIR DE RÉVOLUTION.