Emmanuelle Rabu-Vacarmes contenus par René Noël
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Voies du vif
Chaque poème titré # 1 - # : signe des aiguillages, des échangeurs, des ruptures et des bifurcations, des métamorphoses... - ... à # 40 de ce livre de poésie de quatorze vers, d'un demi-alexandrin chacun, dispersés en ensembles de deux, trois, quatre, cinq, six, sept ou huit unités, subvertit la forme sonnet à l'image des photons du soleil
# 9
Stroboscope au passage
d'un train de marchandises
Chargement à Compiègne
Contrôleurs en factions
Inversez l'aiguillage !
implore mon grand-père
Je remets dans le sens
du retour le roulis
Ton futur à sa place
Mon enfance en dépend
Dette d'aime en dépôt
Dans ton wagon, tes frères
fantômes terrifiés,
Photons des entités
qui traversent, fertilisent sans partis pris toutes les formes de vie recelant le silence et l'oubli, et ce faisant, modifient les relations du continu et du discontinu, du pair et de l'impair, chaque poème de ce livre d'Emmanuelle Rabu inscrit sur la page de droite étant précédé d'une photographie en négatif sur la page de gauche, exposant, pour la plus grande partie d'entre elles - à l'exception d'un visage d'après une sculpture (p. 18), de gerbes et d'un champ de blé (p. 32 et p. 36), d'une voyageuse sur un marchepied tête baissée vers l'écran de son téléphone, casquette sur la tête, (p. 38) imageant L'univers en sourdine / Vacarme contenu (p. 39), d'un clocher (p. 42), d'un grillage et de barbelés (p. 56) à côté du poème # 24, J'ai mal à mon grand-père ... J'ai mal à la torture : aux plaies rougies des fers / à l'abandon du NON ! / devant l'impunité, de deux voyageurs sur le quai et un marchepied (p. 70), d'un agent de la S.N.C.F. et d'une femme téléphonant à quai (p. 87), du drapeau de la croix rouge (p. 88), soit neuf photos sur les quarante qu'Emmanuelle Rabu a prises et choisies pour balises et pour matrices de ses poèmes -, les structures et les infrastructures du rail et elles seules, sans humains, ni végétaux ou animaux susceptibles de distraire l'œil, vues pour elles-mêmes aussi bien que des photographies de rues de villes délestées de tous panneaux et signalétiques publicitaires, de toutes voitures et présences humaines, donnent à nouveau la parole à l'architecture et à l'urbanisme, à la main de l'homme.
Chaque cliché, à la recherche des lignes et des courbes, de forces d'attraction réelles, contient autant de voies et de tournures de l'évènement gravé dans les traits, les contours de ses rails imprimés sur la page de gauche, en attente du souffle vital de la main qui fixera, par la musique des mots, les pressentiments de l'image. la vitre peut s'ouvrir / l'air est frais, vivifiant (p. 11), Emmanuelle Rabu indiquant qu'il lui a fallu voyager durant des années à travers le monde pour s'équiper, engager le voyage de départ, Le contrôleur annonce / Attention au départ / Fermeture des portes / de Mauthausen, lieu de déportation de son grand-père, boulanger de son état, qu'elle vient chercher par les transports de ses mémoires et de celles de l'art afin d'effectuer avec lui le trajet de retour vers l'ouest de la France, # 38 J'ai six ans quand tu meurs., quatre-vingt ans après la fin de sa déportation, 7ème mois de 2025.
Les éphémérides posés, le lecteur peut en toute confiance parcourir à nouveau les images et les mots construits, # 6, p. 20/21, les cités verticales / traversées par les rails, voies du vif de mémoires futurées.