La poésie est… de Jean-François Bory et Tissato Nakahara par François Huglo

Les Parutions

31 juil.
2025

La poésie est… de Jean-François Bory et Tissato Nakahara par François Huglo

La poésie est… de Jean-François Bory et Tissato Nakahara

 

 

            En 1967, Jean-François Bory publiait dans la revue japonaise VOU un collage photographique d’après le caractère kanji « Femme » en hommage à Kitasono Katué. En 2025, Tissato Nakahara traduit et met en forme une version japonaise de La poésie est…, d’abord publié en 1974 et reproduit dans diverses revues de poésie concrète. Une version enrichie de nombreuses polices de caractères a été publiée dans la revue Lotta Poètica en 1982, une autre en couleur dans Un été avec Apollinaire à Vérone en 2009. Shoashiro Takahashi en fit une première traduction dans la revue GUI en 1995. L’édition présente est imprimée en juin 2025. Une photo montre Tassato Nakahara en blanc et Jean-François Bory en noir en juillet 2025 au café The Bottle Shop, rue Trousseau à Paris.

 

            Une Japonaise à Paris : Tassato Nakahara est née à Tokyo où elle a étudié les Beaux-Arts. Arrivée à Paris en 1983, elle apprend la gravure, et à partir de 1990, vend des livres illustrés. Le 5 novembre 2004, le Journal des Arts écrit à son propos ces lignes qui pourraient aussi concerner Bory  « Les photographes conçoivent le livre comme une œuvre : ils gèrent tout, de l’impression au graphisme en passant par le texte, la reliure ou l’emboitage. Le livre est une finalité, ce n’est pas un catalogue d’images (…) Par ailleurs, les Japonais ont toujours vécu avec le papier, ils adorent le manier, le mettre en valeur ».

 

            Un Jean-François Bory au Japon : « La marée… L’odeur de la Mer Intérieure, l’odeur du Japon ! (…) Dès l’arrivée (à Kyoto), la puissance des idéogrammes m’avait surpris. En toute écriture se dissimule, sinon plus du moins autre chose que le message qu’elle doit transmettre ». (Retour au Japon).

 

            L’écriture japonaise peut être phonétique (les kana) ou idéogrammatique (les kanji), caractères qui peuvent être utilisés dans une même phrase. Le face à face des pages en français et en japonais donne ici l’impression de syntagmes d’un côté, de paradigmes de l’autre, bien que la lecture soit horizontale des deux côtés, avec une partie répétée en début de chaque ligne (ou phrase, ou vers), imprimée en noir, et une variation à la fin, en couleur. Mais la version japonaise donne à voir, verticalement, des lignes noires, droites ou sinueuses, se détachant sur fond blanc, face à un patchwork de couleurs du côté droit de la page. La version française introduit, elle aussi, de la verticalité, en variant les caractères. Mais la lecture n’est linéaire ni d’un côté ni de l’autre. L’œil bondit, entrecroise, assemble, tisse Il comprend que la poésie n’est pas seulement, ligne après ligne, ceci puis aussi cela puis encore cela, mais qu’elle est à la fois asociale et politique, secrète et prédominante, illisible et instructive, internationale et unique, raisonnable et névrotique, expérimentale et irrésistible, catholique, évangélique, et interdite, française et géorgienne, difficile et sensuelle, libidineuse et abstinente, ancienne et moderne. Alphabétique, quel que soit l’alphabet. Poissonneuse, quelle que soit la mer ou l’eau douce. « Provisoire humidité des livres », écrivait Jean-Pierre Bobillot en titre de ses « divagations sur Jean-François Bory » (Trois poètes de trop). En odeur de « Mer Intérieure ».

 

 

 

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