Le grand unique sentiment de Gérard Haller par Catherine Weinzaepflen

Les Parutions

04 mars
2018

Le grand unique sentiment de Gérard Haller par Catherine Weinzaepflen

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Lorsque la lecture de quelques lignes révèle sur le champ l’identité de leur auteur, on sait qu’il s’agit d’un écrivain. D’une voix. Si l’axiome est banal, il mérite d’être souligné à propos de Gérard Haller : qu’il écrive la mort de sa mère (Fini mère, 2007), un récit de crime (Deux dans la nuit, 2010) ou des poèmes générés par la peinture comme dans Le grand unique sentiment, l’écriture du poète est instantanément reconnaissable.

La langue de Gérard Haller est musicale, c’est sans doute sa qualité première. Mais libre aussi, dans cette manière de morceler la phrase, d’abolir les majuscules et de jouer avec les italiques ou les slash. Avec les blancs de la page.

Le grand unique sentiment est construit de trois ensembles, chacun affilié à un tableau placé en exergue (Kupka, Munch et Rembrandt) et cependant on le lit comme un seul texte, une seule incantation. D’ailleurs il faut le lire d’un trait.

La poésie de Gérard Haller est un appel scandé par des ô répétitifs et par le mot oui qui ponctue ses textes. Appel à un monde inconnu mais forgé d’espoir. Comme s’il fallait dépasser la peur (il en est beaucoup question de la peur) pour penser. Nommer.

«  où je jouais/ rappelle-toi/ au bord
du torrent avec toi et j’avais peur
déjà de tomber oui d’être emporté
moi aussi et je disais tes noms/ anne
anna anka etc./ et toi les miens et
ça suffisait pour nous sauver »

La question de l’amour imprègne l’œuvre de Gérard Haller et souvent, lorsqu’elle advient, réapparaît une langue maternelle alémanique (alsacienne).

«  liebe ich liebe dich etc./ c’est là
tu as dit chez nous : dans les mots
seulement qui sont pour garder
vivant dans nous le promis »

Il y a quelque chose de poignant dans ces déclinaisons du grand unique sentiment. J’évoquais la musique du vers (J.S. Bach pour la lectrice que je suis) mais les poèmes de Haller convoquent tout autant pour moi les fresques de Giotto ou les dessins de Botticelli, alors que le livre s’appuie sur des tableaux modernes. Intemporel, le grand unique sentiment évoqué par le poète !

Parallèlement vient de paraître mbo, long poème en listes d’animaux réels et inventés, supplique là encore, partition musicale. Tous les animaux et les vivants de la terre y défilent, non sans l’humour et la conscience politique qui caractérisent aussi l’auteur.

Ses livres sont rares (le dernier était paru en 2012), exigeants. On peut se réjouir de la parution simultanée de ces deux opus.

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Le commentaire de sitaudis.fr

Le grand unique sentiment, Editions Galilée, 2018
90 p.
15 €


ET


mbo, Editions Harpo &, 2018
non p.
15 €


 

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