Maison, Poésies Domestiques d'Emanuel Campo par Sarah Kéryna

Les Parutions

14 févr.
2018

Maison, Poésies Domestiques d'Emanuel Campo par Sarah Kéryna

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Les éditions la Boucherie littéraire ont été créées en 2015 dans le Lubéron.

Elles sont de plus en plus présentes dans le paysage éditorial, faisant apparaître des voix nouvelles qui se donnent à lire mais aussi à entendre lors des cabarets de Poésie nomade organisés régulièrement à la Tour d’aigues (84).

 Aujourd'hui la maison d'éditions a deux collections :

La feuille et le fusil :

« (…) La feuille, aussi massive soit-elle, est capable de finesse si l'on sait ajuster la pression sur la longueur du fusil et la manier sans jamais émousser son tranchant.

L'une et l'autre participent à parer, avec délicatesse, la poésie confiée aux bons soins du boucher.

Dans un format à la mesure prédéfinie, c'est l'essence du texte qui façonnera le livre en imposant le choix du papier, sa couleur, sa texture, sa main, son bruit... Il en est de même pour les procédés d'impression ou encore celui d'une reliure adaptée selon la nature des écrits. »

Dit Antoine Gallardo, l’éditeur, déjà une douzaine de livres au compteur, dont le prix SGDL  Révélation de la poésie avec Emovere de Nicolas Vargas.

 La deuxième collection, Sur le billot file la métaphore bouchère dans ce qu’elle implique d’organique, de précis et de tranchant :

« Dans une boucherie, le billot est l’une des pièces maîtresses comme la feuille qui l’accompagne. Il allie fermeté, esthétique et caractère.

Si les éditions la Boucherie littéraire ne devaient avoir qu’une seule collection, ce serait Sur le billot.

Car, c’est le lieu où je me dois de mettre en valeur les écrits des auteurs. Là, où je pense que l’œuvre publiée s’inscrit dans un sillon inexploré ou peu visité de la poésie.

Sur le billot, on ne peut pas se défiler. J’y mets mes tripes et mon amour de la poésie pour la poésie. »

 Livres à la couverture blanc ivoire sur laquelle le titre claque en rouge vif, rehaussé de noirs,

Maison, Poésies domestiques est de ceux-là.

Emanuel Campo est un auteur franco suédois, né en 1983 qui vit à Lyon. Il se consacre autant à la page qu’à la scène et travaille avec des musiciens, des metteurs en scène, des poètes en tant qu’auteur, performeur et interprète.

 L’auteur dit de ce recueil qu’il est un « flow ». Mais peut-être aussi bien est-ce un fil, un fil tendu entre deux scènes prises sur le vif, deux enfances, celle du « narrateur » et celle de ses jumeaux. Un fil musical avec titres en gras, refrains, listes et motifs récurrents, où il est question du quotidien d’un homme qui devient père, s’interroge sur le sens du monde comme il ne va pas toujours bien, retourne parfois puiser dans son enfance images et anecdotes.

 Quand j’étais petit
Je croyais qu’un paradoxe allemand
C’était un genre de supplice chinois.

 Ces jeux d’associations enfantines, qui reviennent en leitmotiv, résonnent avec la langue de celui qui, devenu adulte, continue à interroger le lien entre sens et sonorités :

 Ce matin,

j’en suis à un point où voilà j’emmerde les syllabes et leurs gants de boxe. Je ne veux plus utiliser les mots dont je n’ai pas choisi la prononciation.

 Il y a enfin, dans ce livre réjouissant qui ne manque pas d’humour, quelques épreuves du travail de poète, aussi bien en animateur d’atelier d’écriture, qu’en lecteur blasé ou auditeur endurant qui feront mouche pour celui ou celle qui s’y reconnaîtra.

Sous la partition affutée, sourd une forme d’intranquillité, une réflexion sur les origines, le couple, les liens, la transmission, dans un équilibre fragile qu’il faut chaque jour et chaque ligne tenir, à l’instar de ce fragment :

 Me dis que

L’ordre

Les chiffres bien rangés
l’alphabet tout ça-
a bien des limites

 puisque certaines
personnes arrivent
tout de même à
se perdre dans les trains.

 Comme quoi
tout a beau être
tracé

 on dévie.

 

 

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