Carnivale de Nicole Caligaris, 2 par Éric Pessan

Les Parutions

25 janv.
2021

Carnivale de Nicole Caligaris, 2 par Éric Pessan

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Carnivale de Nicole Caligaris, 2

Carnivale, de Nicole Caligaris, qui vient de paraître aux Éditions Verticales serait un vinyle. Tout d'abord, parce la langue de Nicole, c'est de la musique. Ensuite, parce que ce roman est une spirale sans fin. Il faudrait imaginer un microsillon érodé où, à chaque tour, l'aiguille du phono raconte une nouvelle histoire mais capte aussi ce qui s'est dit avant et ce qui se racontera après, comme si le sillon n'était plus creusé mais qu'il s'entortillait sur une surface quasi-plane, se permettant de sauter sans paraitre être rayé. L'histoire (parce qu'il y a une histoire) est celle d'un courtier au bout du rouleau, ex-employé de morgue devenu au fil des faillites chasseur de contrats pour un certain Ponzi (n’hésitez pas à entrer ce nom sur un moteur de recherche et arrêtez-vous à l’entrée « pyramide ») qui – s'il existe – rachète vos dettes pour mieux vous pressurer par la suite. C'est ce qui est arrivé au narrateur, il a vendu sa faillite à Ponzi et maintenant il n'a d'autre choix que d'errer dans les limbes d'un sous-monde de soleil et de crasse pour trouver d'autres proies. Et voici qu'il en trouve des proies potentielles, trois garçons, en tenues léopard, juchés sur leurs mobylettes, des musiciens qui viennent de vendre leurs âmes au Général Management dans l'espoir de devenir célèbres en se produisant sur des scènes interdites montées à toute vitesse çà et là dans le pays. Mais cette histoire-là n'est que le bourdon (au sens musical, mais aussi dépressif) sur lequel bien d'autres récits vont venir se greffer. Bref, Carnivale est un roman-monde déglingué et terriblement beau où des laissés pour compte n'ont d'autre choix que de racler les poches d'autres laissés pour compte, pris entre le pouvoir sans limite des forces du Préfet et le désir d’inaccessibles richesses. Carnivale est un opéra, un purgatoire, une métaphore, une exacte description de notre société, un étouffoir, et - paradoxalement - une joie puisque le sillon tourne encore et que la spirale ne sait aller que de l'avant.

 

Le commentaire de sitaudis.fr

Éditions verticales, Gallimard, avril 2020
(en librairie, le 14 janvier 2021)
392 p.
21,50 €


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