Henri Poncet par Jacques Demarcq

Les Célébrations

Henri Poncet par Jacques Demarcq

  • Partager sur Facebook

  Chaleureux : le premier mot qui me vient. Une qualité rare chez les éditeurs, plus souvent prudents qu’enthousiastes. Henri Poncet n’avait pas d’ouvert que l’esprit, il accueillait votre livre dans ses bras, qui allaient le porter, protéger, y compris du succès. Avant d’improbables lecteurs, c’est toute sa personne, doux regard, voix tranquille, carrure de bûcheron, et la barbe avec, qui donnaient du corps à une écriture. Sans doute savait-il mieux que d’autres qu’un bon auteur n’est sûr de rien. Peut-être était-ce un de ses critères : son catalogue témoigne de ses qualités de découvreur autant que de la disparité de ses choix.

   Sa chaleur était rayonnante, communicative. J’ai gardé l’affection qu’il m’a transmise pour les auteurs qu’il m’a fait découvrir. Il avait le chic pour dénicher des écritures sortant des ressassements ordinaires de la littérature.

 Il éditait aussi des Anciens (Sophocle, Hölderlin, Hopkins), des respectables (Zanzotto, Gatti, Maldiney), des ostracisés provisoires (Baudry, Bénézet, Todrani), une future gloire (le premier livre de Céline Minard, R). Il gardait de l’amitié pour ses auteurs vivants. Ceux-ci lui étaient souvent moins fidèles : ils changeaient de crémerie dès que l’occasion se présentait. Il a beaucoup souffert de ces ingratitudes, au point de perdre la mémoire, et de mourir dans l’oubli, la misère…

   Sa  maison, Comp’Act puis l’Act Mem, reposait sur des bases familiales et artisanales. Elle ne pouvait tenir dans un monde régi par la banque, c’est-à-dire le profit. La plupart des écrivains se moquent de l’argent, mais pas de l’illusion de reconnaissance que leur apporte un pignon sur rue. Ils échangent de la chaleur contre des couvertures – visibles ou pas en librairie. Certains le regrettent, mais trop tard : Henri a disparu !

Dans cinquante ans, qui sait ? quelque fouineur fou aura l’idée de reproduire, sur internet, des morceaux choisis de livres étonnamment publiés à Chambéry et retrouvés dans une bibliothèque. Des vintage geeks, qui auront remplacé les amateurs de vieilleries, apprendront alors quel éditeur rare, dans tous les sens, a été Henri Poncet.