Les Poèmes de Maximus de Charles Olson par Jacques Demarcq

Les Parutions

03 nov.
2009

Les Poèmes de Maximus de Charles Olson par Jacques Demarcq

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Un monstre




Je le signale, que vous demandiez à votre libraire de voir ça : la traduction intégrale des Poèmes de Maximus de Charles Olson ; ça fait plus de vingt ans qu'elle attendait un éditeur. Neuf cents et des pages faut dire, dont 300 de notes et commentaires d'Auxeméry, le traducteur exégète passionné d'Olson depuis des lustres, qui regrette de manquer de place ! Je me garderai d'en rajouter ; juste un doigt pointé.
Les 600 pages de Maximus donnent à l'histoire d'un lieu, Gloucester, un port de pêche au nord de Boston, la dimension de l'épopée. Un lieu sans réelle importance que sa vérité, une épopée sans véritable héros sinon l'auteur ou son père, une histoire dont le contenu importe moins que son écriture, sa mise en échos et possible chaos, tels sont quelques ingrédients de l'épopée américaine qu'on retrouve à des degrés divers chez les quatre grands qui s'y sont risqués : dans l'ordre, Whitman, Pound, Williams, Olson. Si les Cantos sont une pelote emmêlée, Maximus est effiloché. Si Whitman est lyrique, Olson vise à l'objectivité. Si Doc Williams ausculte avec soin, Olson tape sur la page de ses grandes paluches.
Je recopie in extenso la page 378, deuxième du volume 3 :

Elle a dit, Mme Tarantino
qui occupe la maison jaune
sur le fort construite comme
une maison forte, elle a dit
Vous avez le nez long, elle voulait dire
vous le fourrez partout dans les affaires
des gens, n'est-ce pas ? Et moi je n'ai
rien pu dire
d'autre que
oui


Et le début d'un texte intitulé « proème » qui, p. 306, résume si l'on peut dire l'intrigue :

les Algonquins y avaient défriché la terre, Champlain
nous montre le Fort du Poste occupé par cinq wigwams avec
des récoltes, ce fut le premier endroit dont les Anglais pêcheurs
hommes d'Occident usèrent pour s'établir à demeure, important
la grande maison de la compagnie dans laquelle vécurent les 14 hommes
originels, le premier poste fut construit
là, il était partagé entre 17 hommes
en 1642 sous le nom de - ce qu'ils étaient - champ
du pêcheur, et les Parsons en firent leur
village, leur propriété peu de temps plus tard ceci jusqu'à
l'époque de mon père - et jusqu'à la mienne
quand on parlait de ëchez Barrett' pour autant que
nous ayons été originellement concernés par
lui, qui avait fait construire les premiers camps d'été
à cette époque où il était Maire de Gloucester (1914)
sur le modèle du poulailler de sa sœur Lizzie
Corliss - en fait c'était vraiment un
poulailler le premier celui où le lit s'est effondré sous
ma mère & mon père la première nuit où nous sommes venus à
Gloucester dormir


«a donne, j'espère, une idée de la force d'entraînement de l'écriture. Les Américains sont insupportables, même les artistes, parce qu'ils ressemblent aux Européens quand même ils évitent de les imiter. Mais il leur reste un truc que l'Europe a perdu : le paysage. Sûr que Gloucester est un patelin moins chouette que Douarnenez, mais il y a des baleines au large, des tempêtes plus fortes, le souvenir de colons plus sauvages que les pires Indiens, et une sorte de bêtise à l'état brut ou de confiance en son bon droit, ce qui revient au même, qui s'étale partout aux …tats-Unis alors qu'elle se cache par ici. La vieille Europe usée a renoncé à l'épopée. L'encore jeune littérature ferait bien d'aller chercher des forces du côté d'Olson.
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