Le sbire à travers de Jérôme Mauche par Vianney Lacombe

Les Parutions

20 mars
2015

Le sbire à travers de Jérôme Mauche par Vianney Lacombe

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Chacun des courts récits qui composent Le sbire à travers de Jérôme Mauche décrit de manière impersonnelle des événements d’une grande platitude, et l’état de catastrophe que nous ressentons en lisant ces textes ne vient pas du récit lui-même mais de l’insupportable utilisation des significations dans une logique de fin du monde calmement évoquée. Ce qui est troublant dans ce recueil, ce sont les effondrements successifs que l’écriture engendre avec une apparente insensibilité. Le travail de Jérôme Mauche, au lieu de nous fortifier dans des certitudes, ou dans la joie d’un langage réinventé, se contente de le déjouer sans arrêt, de le mettre en danger de disparaître dans l’absurdité et le néant. Il s’agit bien de retrouver une forme d’ingénuité poétique, un regard sur le monde contemporain en le dénuant de tout respect, de toute référence et de tout égard. Et l’écriture devient un bricolage étrange et comique, malgré l’abîme qu’il révèle. C’est dans un tel lieu qu’il nous faut vivre désormais, avec un langage qui ne dit plus jamais rien et qui s’écroule à la fin. Mais Le sbire à travers est un livre audacieux, parce que derrière ce rien, ces mots sans existence et détruits, il surgit d’étranges moments vivant pour eux-mêmes, qui ne font référence qu’à leur propre absurdité de langage tronqué, qui brutalement donne à voir un autre état de la langue, dont la complexité n’a pas encore été explorée.

Pendant 150 pages Jérôme Mauche donne dans ces courtes proses le portrait d’un monde incapable d’exister et qui ne cesse de faire des efforts pour pallier son néant, à ses vides, en les remplissant d’anecdotes techniques et folles, qui sont autant de tentatives dérisoires de description de ce nouveau lieu de l’écriture, de ce nouvel endroit où nous sommes arrivés presque anéantis, mais décrivant avec lucidité ce qui nous reste quand il n’y a plus rien.

L’homme est né affalé au sol, il souffre, ses compagnons de lutte s’enquièrent de ce qui pourrait atténuer sa douleur, d’un souffle il leur suggère une délicieuse platée de spaghettis sauce bolognaise qui apaise et rassérène en général, malgré les circonstances ils cuisinent, l’entourant de ses viscères qui lui sortent déjà du corps ils lui font avaler ces pâtes succulentes, les policiers du dehors sensibles à la scène et l’appétit venant aussi exigent une trêve, lorsque dans la fusillade les talkie-walkie se taisent avant l’assaut ou concurremment des voix rassasiées échangent in extremis d’autres méthodes et recettes qui croustillent ou assaisonnent. (p. 50)

 

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